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[20] En outre, on ne peut dire que <les poissons> tirent l'air, par la bouche, de la bouche ou de l'eau, car ils n'ont pas de trachée, étant donné qu'ils n'ont pas de poumon, mais leur ventre vient immédiatement après la bouche, de sorte que c'est nécessairement par le ventre qu'ils devraient tirer l'air. Les autres animaux devraient d'ailleurs faire de même, mais ils ne le font pas. D'autre part, les premiers [25] devraient à l'évidence le faire également lorsqu'ils sont hors de l'eau, mais ils ne le font visiblement pas. Nous voyons en outre se produire, chez tous les animaux qui respirent et attirent le souffle, un certain mouvement de la partie qui attire. Or, chez les poissons, ce n'est pas le cas. Ils ne montrent en effet aucun mouvement dans la région du ventre, à part le seul mouvement de leurs branchies, [30] et cela aussi bien dans l'eau que lorsqu'on les rejette sur la terre ferme et qu'ils se débattent. De plus, chaque fois que des animaux qui respirent meurent d'étouffement dans l'eau, [471b] il s'échappe des bulles formées par le souffle qui est forcé de sortir. C'est le cas, par exemple, si l'on force des tortues ou des grenouilles, ou quelque autre animal appartenant à ce genre d'espèces, <à demeurer sous l'eau>. Mais si l'on essaie de produire cet effet avec des poissons, on n'y parvient d'aucune manière, ce qui montre qu'ils ne reçoivent aucun souffle de l'extérieur. [5] De plus, le mode de respiration qu'ils4 leur attribuent devrait aussi convenir aux hommes lorsqu'ils sont dans l'eau. En effet, si les poissons tirent <l'air> de l'eau qui les entoure par la bouche, pourquoi les hommes et les autres animaux ne le feraient-ils pas aussi ? Ils devraient également, [10] comme les poissons, tirer l'air de leur bouche. Il s'ensuit que, si ceux-là en sont capables, ceux-ci doivent l'être également. Mais puisque tel n'est pas le cas <pour les hommes et les autres animaux>, il est clair que ce n'est pas non plus le cas pour ceux-là.
En plus de tout cela, par quelle cause meurent-ils dans l'air et pourquoi les voit-on se débattre comme ceux qui s'asphyxient, s'il est vrai qu'ils respirent ? Car ils ne souffrent certes pas d'un manque de nourriture. [15] L'explication donnée par Diogène est naïve : il dit que <les poissons> attirent, dans l'air, une trop grande quantité d'air, et, dans l'eau, une juste mesure, et que c'est pour cela qu'ils meurent5. Mais il faudrait que cela puisse aussi se produire chez les animaux terrestres. Or, aucun animal terrestre n'étouffe pour avoir trop fortement respiré.
En outre, si tous les animaux respirent, [20] il est clair que, parmi eux, les insectes doivent respirer aussi. Or on voit survivre beaucoup d'insectes sectionnés, non seulement en deux, mais encore en un plus grand nombre de parties, comme par exemple ceux qu'on appelle les scolopendres. Comment ou par quel intermédiaire leur est-il possible de respirer ? La raison principale de la fausseté de leurs assertions sur ces sujets tient à leur méconnaissance [25] des parties internes et à ce qu'ils n'ont pas admis le fait que la nature accomplit toutes choses en vue de quelque fin. S'ils avaient en effet cherché à quelle fin les animaux respirent, et s'ils avaient fait porter l'examen sur leurs parties, comme les branchies et le poumon, ils en auraient aussitôt trouvé la cause.
4 (10)
[30] Démocrite, pour sa part, dit que la respiration a une utilité pour ceux qui respirent, car il explique qu'elle empêche la compression de l'âme. [472a] Il n'a toutefois nullement dit que c'était en vue de cela que la nature avait instauré la respiration, car, tout comme les autres naturalistes, il n'a pas perçu, lui non plus, ce type de cause. Il prétend que l'âme et le chaud sont une même chose, à savoir les premières figures sphériques. [5] Celles-ci se séparant sous l'effet de la compression exercée par le milieu environnant, la respiration, à ce qu'il dit, vient à leur secours, car il y a dans l'air un grand nombre de ces figures, qu'il appelle « intellect » et « âme ». Ainsi, lorsqu'on respire et que l'air entre, ces figures, en pénétrant en même temps à l'intérieur et en résistant à la pression, empêchent [10] l'âme qui se trouve à l'intérieur des animaux de se répandre. C'est pourquoi la vie et la mort consistent dans l'inspiration et l'expiration, car, quand la pression du milieu environnant l'emporte, et que <l'air> venant de l'extérieur ne peut plus résister, la respiration devenant impossible, alors survient la mort de l'animal. <Il dit> en effet que la mort, [15] c'est la sortie, hors du corps, de ce type de figures sous l'effet de la compression exercée par le milieu environnant. Quant à la cause en vertu de laquelle tous les animaux doivent nécessairement mourir à un moment donné, non pas cependant à un moment fixé par le hasard, mais du fait de l'âge s'il s'agit de mort naturelle et par la force s'il s'agit d'une mort contre-nature, il n'a rien dit de clair à ce sujet. Il aurait pourtant dû dire – puisqu'il est manifeste que la mort arrive à tel moment et non pas à tel autre – [20] si sa cause est externe ou interne. Il ne dit rien non plus du principe de la respiration ni quelle en est la cause, interne ou externe. Ce n'est certes pas en effet l'intellect venu du dehors qui veille à ce secours, mais le principe de la respiration et du mouvement vient de l'intérieur, et il n'est pas dû à la contrainte du milieu environnant. Il est également absurde [25] que le milieu environnant exerce une pression et en même temps, une fois entré à l'intérieur <du corps>, une dilatation.
Voilà donc à peu près ce qu'il a dit et comment il l'a dit. Mais s'il nous faut tenir pour vrai ce qui a été dit précédemment, à savoir que tous les animaux ne respirent pas, on doit supposer que la cause qui vient d'être évoquée ne s'applique pas à la mort de tous les animaux, mais seulement à ceux qui respirent. Même pour ce qui concerne ces derniers, cependant, [30] l'explication n'est pas correcte. Les faits, ainsi que les cas semblables dont nous avons tous l'expérience, le montrent clairement. Ainsi, quand il fait chaud, notre température augmentant, nous avons besoin de respirer plus et nous respirons tous à intervalles plus brefs. Lorsque, à l'inverse, notre environnement est froid, qu'il condense et raidit le corps, il arrive que le souffle se retienne. [35] Il faudrait alors que ce qui vient de l'extérieur, une fois entré <dans le corps>, [472b] empêche la compression. Or, c'est le contraire qui se produit, car quand la chaleur s'amasse en trop grande quantité parce que l'on n'expire pas, on a alors besoin de la respiration. Or, il est nécessaire d'inspirer pour respirer. Les <animaux> qui ont chaud respirent fréquemment, ce qui montre qu'ils respirent afin de se refroidir, [5] alors que la thèse <de Démocrite> « ajoute du feu au feu ».
5 (11)
La poussée circulaire décrite dans le Timée n'explique rien, à propos des autres animaux, sur la façon dont leur chaleur est sauvegardée, si cela se produit de la même manière ou par l'intervention d'une autre cause. En effet, si la respiration n'appartient qu'aux seuls animaux terrestres, [10] il faut indiquer la cause de cette particularité. Mais, si d'autres la possèdent, en l'exerçant d'une autre façon, il faut préciser quelle est cette autre façon, du moins si l'on pense que tous les animaux peuvent respirer. De plus, le mode de l'explication causale est fantaisiste. Lorsque, en effet, le chaud sort vers l'extérieur par la bouche, d'après ce que dit <Platon>, l'air environnant, repoussé et déplacé, tombe [15] en traversant la chair – qui est poreuse – dans le lieu même duquel est sortie la chaleur interne. Ce rejet mutuel s'explique par l'absence de vide. Une fois échauffé, l'air sort à nouveau par le même lieu, et repousse circulairement, par la bouche, l'air qui avait été rejeté et qui alors était chaud. Par cette manière de faire, en inspirant et en expirant, les <animaux> accomplissent ce processus perpétuellement.
[20] Toutefois, ceux qui pensent ainsi doivent en conclure que l'expiration se produit avant l'inspiration. Or, c'est le contraire. En voici la preuve : ces <mouvements> se succèdent alternativement ; or, lorsqu'ils meurent, les animaux expirent ; ainsi, le commencement doit nécessairement être une inspiration. En outre, ceux qui s'expriment de cette manière n'ont rien dit sur la fin en vue de laquelle, chez l'animal, se produisent ces <mouvements> [25] (je veux dire l'inspiration et l'expiration), mais ils les présentent seulement comme un simple accident. Nous voyons bien, pourtant, que c'est d'eux que dépendent la vie et la mort, car, quand les animaux qui respirent ne peuvent plus respirer, leur destruction survient. De plus, il est absurde [30] que la sortie de la chaleur par la bouche, puis son retour à l'intérieur, n'échappent pas à notre perception, alors que l'entrée du souffle dans la poitrine puis sa sortie, une fois réchauffé, lui échappe. Il est également absurde que la respiration soit l'entrée de la chaleur, car c'est visiblement le contraire : l'air expiré est chaud et l'air inspiré est froid. D'ailleurs, quand il est chaud, on respire en haletant. [473a] En effet, parce que l'air qui entre ne refroidit pas suffisamment, nous nous employons plus souvent à attirer le souffle.
6 (12)
Il n'y a certes pas lieu non plus de supposer que la respiration s'effectue en vue de la nutrition, dans l'idée que le feu intérieur se nourrit du souffle, [5] la respiration revenant alors à jeter du combustible sur du feu et l'expiration se produisant une fois que le feu s'est nourri. Nous retournerons contre cette théorie6 les mêmes objections que nous avons adressées aux théories précédentes. Il faudrait en effet que ce <phénomène> ou un <phénomène> analogue se produise chez tous les autres animaux, car tous possèdent une chaleur vitale. [10] Ensuite, cette génération du chaud par le souffle, qui est une <théorie> fantaisiste, de quelle façon faut-il l'expliquer ? Nous constatons plutôt, en effet, que la chaleur vient de la nutrition. Il faudrait de plus que la réception de la nourriture et le rejet des résidus se fassent par le même endroit. Or, nous ne voyons pas que cela se produise dans les autres <modes de nutrition>.
7 (13)
[15] Empédocle parle lui aussi de la respiration mais il ne montre pas clairement, cependant, en vue de quoi elle se produit, ni si tous les animaux respirent ou non. De plus, lorsqu'il traite de la respiration nasale, il croit traiter ainsi de la respiration principale. En effet, il y a la respiration qui s'effectue par la trachée à partir de la poitrine [20] et celle qui se fait par les narines. Or, les narines ne pourraient pas respirer sans cette respiration-là, et les animaux qui sont privés de la respiration nasale n'en souffrent nullement, alors que, si c'est celle qui s'effectue par la trachée qui leur fait défaut, ils meurent. La nature tire en effet parti de la respiration nasale, [25] chez certains animaux, par une fonction accessoire : pour l'odorat. C'est pourquoi presque tous les animaux ont part à l'odorat, bien que ce ne soit pas par le même organe sensoriel chez tous. Nous avons cependant traité ces points avec plus de précision dans d'autres ouvrages. [473b]
<Empédocle> dit d'autre part que l'inspiration et l'expiration se produisent parce qu'il y a certaines veines, dans lesquelles il y a du sang, mais qui toutefois n'en sont pas remplies, et qui possèdent en outre, conduisant vers l'air externe, des pores plus petits que les parties7 du corps, mais plus grands que les parties de l'air. [5] C'est pourquoi, le sang étant naturellement en mouvement vers le haut et vers le bas, quand il se porte vers le bas, l'air s'écoule à l'intérieur et l'inspiration se produit, et, quand il va vers le haut, <l'air> se jette au-dehors et l'expiration se produit. <Empédocle> compare ce qui se passe alors à <l'usage> des clepsydres.
Ainsi, tous <les animaux> inspirent et expirent ; tous, ils ont d'exsangues
[10] Canaux de chair qui s'étendent jusqu'à l'extrémité du corps
Et, à leur embouchure, ils sont percés de conduits serrés
Et ils traversent de part en part la surface extrême de la peau, de sorte que le sang
S'y cache, mais l'éther s'est ouvert un passage facile.
Puis, de là, quand le sang délicat s'est élancé,
[15] L'éther se précipite, bouillonnant en vagues furieuses,
Mais, quand <le sang> jaillit, <l'air> est expiré de nouveau, comme lorsqu'une enfant
Joue avec une clepsydre à l'airain bien travaillé.
Quand elle met l'orifice du tube contre sa main gracieuse,
Elle la8 plonge dans le corps délicat de l'eau à la blancheur éclatante,
[20] Nulle eau ne pénètre dans le vase,
Mais la masse d'air la repousse, pesant du dedans contre les orifices serrés
Jusqu'à ce qu'elle libère le flot épais. Ensuite, lorsque
Le souffle s'est retiré, l'eau pénètre en même proportion.
De la même manière, quand l'eau se trouve au fond du vase d'airain,
[25] L'orifice et le conduit étant recouverts par une main mortelle,
L'éther extérieur, cherchant à pénétrer à l'intérieur, repousse l'eau,
Régnant en maître autour de l'entrée de l'isthme qui gronde,
[474a] Jusqu'à ce qu'elle relâche sa main et alors, à nouveau, dans une direction [contraire à la précédente,
Le souffle se précipitant à l'intérieur, l'eau s'enfuit en même proportion.
De la même manière, quand le sang délicat bouillonne à travers les membres,
Quand, revenant en arrière, il s'éloigne vers le fond,
[5] Aussitôt le flux de l'éther descend en bondissant par vagues.
Mais, quand <le sang> jaillit, une égale quantité <d'air> est alors expirée de nouveau9.
Voilà donc ce qu'il dit à propos de la respiration. Cependant, comme nous le disions, les animaux qui manifestement respirent par la trachée, respirent aussi, simultanément, par la bouche et par les narines. Par conséquent, s'il traite de [10] cette forme de respiration, il doit nécessairement rechercher le moyen d'adapter l'explication causale qu'il a donnée. Il est visible en effet que c'est le contraire qui se produit. <Les animaux> respirent en soulevant une certaine région <du corps>, comme les soufflets dans les forges (il est d'ailleurs logique que le chaud soulève et que le sang se trouve dans la région du chaud). [15] Ils expirent, d'autre part, en se resserrant et en retombant, comme dans le cas des soufflets, si ce n'est qu'alors <les soufflets> ne peuvent recevoir et à nouveau expulser l'air par la même voie, tandis que c'est le cas des animaux qui respirent. S'il ne parle que de la seule respiration nasale, il s'est grandement trompé, car il n'y a pas de respiration qui soit propre aux narines : elle passe [20] par le conduit qui part de la luette, ou au fond de la cavité buccale ; les narines communiquant avec cette région, une partie du souffle passe par elles et l'autre partie passe par la bouche, que ce soit en entrant ou en sortant.
Nous avons ainsi montré la nature et le nombre des difficultés que posent les propos des autres sur la respiration.
8 (14)
[25] Nous avons dit précédemment que la vie et la possession de l'âme s'accompagnaient d'une certaine chaleur (la digestion, en effet, qui fait que les animaux s'approprient la nourriture, ne s'effectue pas non plus sans une âme ni sans chaleur, car c'est grâce au feu qu'elle transforme toutes choses). C'est pourquoi la première région du corps et la partie première de cette région, [30] où se situe nécessairement un tel principe, est aussi, nécessairement, le siège de l'âme première, l'âme nutritive. [474b] Cette région est la région médiane entre ce qui reçoit la nourriture et l'endroit par lequel le résidu est expulsé, et cette partie n'a pas de nom chez les animaux non sanguins tandis qu'il s'agit du cœur chez les animaux sanguins. L'élément nutritif, en effet, à partir duquel les parties sont finalement engendrées chez les animaux, [5] c'est la nature du sang. D'autre part, le sang et les veines ont nécessairement le même principe, puisque celles-ci existent en vue de celui-là, comme vase et récipient. Or le principe des veines, c'est le cœur chez les animaux sanguins. En effet, les veines ne traversent pas le cœur, mais toutes sont rattachées à lui, comme cela ressort clairement des dissections.
[10] Il est donc impossible que les autres facultés de l'âme existent sans l'âme nutritive (on a dit antérieurement, dans le traité De l'âme, quelle en est la cause), et celle-ci n'existe pas sans le feu naturel, car, dans cette <région du corps>, la nature l'embrase. Par ailleurs, le feu peut être détruit, comme nous l'avons dit précédemment, par extinction et par consomption. L'extinction se produit [15] sous l'effet des contraires. C'est pourquoi le feu s'éteint en masse sous l'effet de la froideur du milieu environnant, et plus rapidement encore lorsqu'il est dispersé. La destruction elle-même a donc la même violence chez les êtres animés et chez les êtres dépourvus d'âme, et les animaux meurent, qu'ils soient sectionnés par des instruments ou qu'ils soient figés par un excès de froid. [20] Quant à la consomption, elle est due à une grande quantité de chaleur. Si, en effet, le chaud environnant est excessif, et si <le feu interne> ne peut plus s'alimenter, celui-ci est détruit, non pas en se refroidissant, mais en se consumant, de sorte qu'il est nécessaire qu'il y ait un refroidissement si sa sauvegarde doit être assurée. C'est en effet ce qui préserve de ce type de destruction.
9 (15)
[25] Parmi les animaux, les uns vivent dans l'eau et les autres passent leur vie sur la terre. Pour les <animaux> qui sont très petits et les non-sanguins, le refroidissement produit par le milieu environnant, eau ou air, suffit à les préserver de ce mode de destruction. En effet, ceux qui contiennent une petite quantité de chaud n'ont pas besoin de grandes quantités pour être préservés. [30] Aussi presque tous les animaux de ce type ont-ils une vie brève, car, du fait de leur petitesse, il leur suffit d'une légère prépondérance pour aller dans un sens ou dans l'autre10. D'autre part, les insectes qui ont la vie la plus longue [475a] (car tous les insectes sont non sanguins) ont tous une fissure sous le diaphragme, de sorte qu'ils sont refroidis grâce à la finesse de leur membrane. Étant en effet plus chaud, ils ont un plus grand besoin de refroidissement, comme les abeilles (ainsi certaines abeilles [5] vivent jusqu'à sept années), et tous les autres insectes qui bourdonnent, tels les guêpes, les scarabées et les cigales. Ils produisent un son à l'aide du souffle, comme lorsqu'on émet un râle, parce que dans le diaphragme même, le souffle naturel interne se soulevant et s'affaissant, un frottement vient à se produire contre la membrane. Ils meuvent [10] cette région <du corps>, comme les animaux qui respirent l'air extérieur le font avec le poumon et comme le font les poissons avec les branchies. Ce phénomène est comparable à ce qui se passerait si l'on étouffait un animal qui respire en lui couvrant la bouche : il effectuera ce soulèvement du poumon, mais ce mouvement ne produira pas [15] un refroidissement suffisant. Pour les <insectes>, toutefois, il suffira. Et c'est par le frottement contre la membrane qu'ils émettent leur bourdonnement, ainsi qu'on le dit, comme font les enfants <en soufflant> au travers de roseaux percés, après leur avoir appliqué une fine membrane. C'est aussi par ce moyen que chantent les cigales chanteuses, car elles sont plus chaudes et ont une fissure [20] sous le diaphragme, alors que celles qui ne chantent pas en sont dépourvues.
D'autre part, parmi les animaux sanguins possédant un poumon, mais dont le poumon est pauvre en sang et spongieux, certains peuvent à cause de cela survivre longtemps sans respirer, parce que le soulèvement de leur poumon est important, étant donné qu'ils contiennent peu de sang et d'humidité. En effet, le mouvement propre <du poumon> [25] suffit à assurer le refroidissement pendant longtemps. À terme, toutefois, il n'y parvient plus et <l'animal> s'asphyxie, ne respirant plus, comme nous l'avons expliqué précédemment. On appelle asphyxie en effet ce type de destruction par consomption qui est dû à l'absence de refroidissement et l'on dit que les animaux qui sont ainsi détruits s'asphyxient.
[30] Nous avons également dit précédemment que les animaux de la classe des insectes ne respiraient pas. Les petits animaux, comme les mouches et les abeilles, le font voir clairement, car ils surnagent longtemps dans l'eau [475b], si elle n'est pas trop chaude ou trop froide. Cependant, ceux qui n'ont qu'une faible capacité physique s'efforcent de respirer à intervalles plus rapprochés. Ils sont toutefois détruits, et l'on dit qu'ils s'asphyxient, quand leur ventre se remplit et que la chaleur contenue dans le diaphragme est détruite. C'est aussi pourquoi [5] ils revivent quand ils ont passé un certain temps dans la cendre. En outre, parmi les animaux qui vivent dans l'eau, les non-sanguins vivent tous plus longtemps, lorsqu'ils sont dans l'air, que les animaux qui, comme les poissons, sont sanguins et absorbent de l'eau de mer. En effet, du fait qu'ils possèdent le chaud en petite quantité, l'air suffit à les refroidir pendant longtemps, comme c'est le cas chez les crustacés et les poulpes. [10] Leur trop faible chaleur empêche cependant que cela suffise à assurer leur survie jusqu'au bout. Ainsi, la plupart des poissons survivent dans la terre, immobiles toutefois, et on les trouve en creusant. En effet, tous les animaux qui sont privés de poumon, ou dont le poumon est dépourvu de sang, ont besoin moins souvent du refroidissement.
10 (16)
[15] En ce qui concerne les animaux non sanguins, nous avons donc dit que c'est l'air environnant pour les uns, et l'eau pour les autres, qui préservent leur vie. Quant aux animaux sanguins pourvus d'un cœur, tous ceux qui ont un poumon absorbent l'air et produisent le refroidissement par inspiration et expiration. Or ceux qui ont un poumon, ce sont ceux qui donnent [20] naissance à des animaux à l'intérieur d'eux-mêmes, et pas seulement à l'extérieur (car les sélaciens donnent naissance à des animaux, mais pas à l'intérieur d'eux-mêmes), et ce sont aussi, parmi les ovipares, les animaux ailés, comme les oiseaux, ainsi que les animaux à écailles, comme les tortues, les lézards et les serpents.
Ceux-là ont le poumon irrigué de sang. Ceux-ci cependant ont pour la plupart le poumon spongieux et [25] leurs mouvements respiratoires sont, de ce fait, plus espacés, comme nous l'avons également dit précédemment. Ont toutefois recours à la respiration tous ceux qui passent leur vie et demeurent dans l'eau, comme le groupe des serpents d'eau, des grenouilles, des crocodiles, des tortues d'eau douce, ainsi que les tortues de mer et de terre et les phoques. Tous ces animaux, en effet, [30] et ceux qui leur sont semblables se reproduisent au sec et ils dorment au sec, ou bien dans l'eau, mais en tenant la bouche émergée pour respirer.
[476a] Tous ceux qui ont des branchies, quant à eux, se refroidissent en absorbant l'eau. Possède des branchies le groupe de ceux qu'on appelle sélaciens et des autres animaux sans pieds. Les poissons sont tous sans pieds et les <organes> qu'ils possèdent tirent leur nom de leur ressemblance avec les ailes.
[5] Parmi les animaux qui ont des pieds, un seul de ceux qui ont été observés possède des branchies, celui qu'on appelle le cordyle. Mais on n'a encore jamais vu aucun animal ayant à la fois un poumon et des branchies. La cause en est que le poumon existe en vue du refroidissement par le souffle (il semble d'ailleurs que le poumon doive son nom au fait [10] qu'il reçoit le souffle), alors que les branchies servent au refroidissement par l'eau. Un unique instrument suffit en effet à une seule chose et un seul mode de refroidissement suffit en chaque animal. Par conséquent, puisque nous voyons que la nature ne fait rien d'inutile – et que, s'il y avait deux <organes>, l'un des deux serait inutile –, [15] si les uns ont des branchies et les autres un poumon, aucun animal n'a les deux.
11 (17)
Tout animal a besoin de nourriture pour exister et du refroidissement pour sa sauvegarde, et la nature se sert du même organe pour ces deux opérations, comme elle se sert de la langue chez certains, à la fois pour la perception des saveurs et pour la communication. [20] Ainsi, elle se sert, chez ceux qui ont un poumon, de ce qu'on appelle la bouche, pour le travail de nutrition mais aussi pour l'expiration et l'inspiration. Chez ceux qui n'ont pas de poumon et ne respirent pas, la bouche sert au travail de nutrition, et pour le refroidissement, chez ceux qui en ont besoin, les branchies ont la constitution qui convient.
[25] Nous expliquerons plus loin comment s'exerce la faculté des organes dont nous venons de parler pour produire le refroidissement. Mais ce qui empêche la nourriture d'y faire obstacle, c'est à peu près la même chose aussi bien chez ceux qui respirent que chez ceux qui absorbent l'eau. En effet, ceux qui respirent n'absorbent pas la nourriture en même temps. Sinon, l'animal étoufferait avec la pénétration [30] de la nourriture, sèche ou humide, dans le poumon, par la trachée. Celle-ci est en effet placée avant l'œsophage, par lequel la nourriture va dans ce qu'on appelle le ventre. Ainsi, chez les animaux quadrupèdes et sanguins, l'épiglotte fait office de couvercle pour la trachée, tandis que, chez les oiseaux et chez les quadrupèdes ovipares, ce <couvercle> n'existe pas, [476b] mais ils produisent le même effet par un <mouvement> de contraction. Lorsqu'ils absorbent la nourriture, les uns se contractent et les autres ferment l'épiglotte. Une fois que la nourriture est passée, ces derniers relèvent l'épiglotte tandis que les autres ouvrent la trachée et absorbent le souffle [5] qui permet le refroidissement.
Ceux qui ont des branchies, rejetant l'eau par celles-ci, absorbent la nourriture par la bouche. En effet, ils n'ont pas de trachée, de sorte qu'ils ne sauraient être gênés par un épanchement d'eau dans cet organe, mais seulement par la pénétration de celle-ci dans le ventre. C'est ce qui explique la rapidité avec laquelle ils rejettent <l'eau> [10] et saisissent la nourriture et c'est aussi pourquoi ils ont des dents pointues, et presque tous des dents acérées. En effet, ils ne peuvent mastiquer leur nourriture.
12 (18)
Parmi les animaux marins, le cas des cétacés pourrait faire difficulté. Leur situation est toutefois rationnellement explicable, comme dans le cas des dauphins, [15] des baleines et de tous les autres animaux qui possèdent ce qu'on appelle un évent. Ils sont en effet sans pieds et, tout en ayant un poumon, ils absorbent l'eau de mer. La cause de cela, nous venons de l'indiquer : ce n'est pas en effet en vue du refroidissement qu'ils absorbent l'eau, car cet effet se produit en eux parce qu'ils respirent. Ils ont en effet un poumon. [20] Aussi dorment-ils la bouche émergée et les dauphins, à tout le moins, ronflent. En outre, s'ils sont pris dans des filets, ils s'asphyxient rapidement, faute de respirer. Aussi voit-on les animaux de ce type nager à la surface de la mer, à cause de la respiration. Mais, puisqu'ils sont dans la nécessité de trouver leur nourriture dans l'eau, ils doivent nécessairement [25] rejeter l'eau qu'ils absorbent et c'est pour cela qu'ils ont tous un évent. Après avoir absorbé l'eau, en effet, ils la font ressortir par leur évent, comme les poissons par les branchies. La position de l'évent en donne justement la preuve : il n'aboutit à aucune partie contenant du sang, mais il est placé devant le cerveau.
[30] C'est pour cette même raison que les mollusques et les crustacés absorbent l'eau, je veux parler par exemple de ceux qu'on appelle « langoustes » et des crabes. Aucun d'eux n'a en effet besoin du refroidissement, car chacun d'eux est de faible chaleur et dépourvu de sang, de sorte qu'ils sont suffisamment refroidis par l'eau environnante, [477a] mais, à cause de la nutrition, ils rejettent l'eau, afin d'empêcher que l'eau ne s'écoule en eux en même temps qu'ils absorbent la nourriture. Ainsi, les crustacés, comme les crabes et les langoustes, rejettent l'eau au travers de leurs opercules, au-delà des parties pileuses ; les sèches et les poulpes, [5] par la cavité placée au-dessus de ce qu'on appelle leur tête. Mais nous avons écrit avec plus de précision sur ces questions dans les Histoires des animaux. Nous avons donc dit, à propos de l'absorption de l'eau, qu'elle se produisait à cause du refroidissement et parce que les animaux vivant dans l'eau par nature doivent tirer de l'eau leur nourriture.
13 (19)
[10] Après cela, il nous faut dire, à propos du refroidissement, quelle est la façon dont il se produit chez les animaux qui respirent, mais aussi chez ceux qui ont des branchies. Nous avons dit précédemment que tous les animaux qui ont un poumon respirent. Pourquoi cependant certains disposent-ils de cette partie et [15] pourquoi ceux qui en disposent ont-ils besoin de la respiration ? La cause en est que les animaux les plus nobles se trouvent être ceux qui ont le plus de chaleur, car ils se trouvent en même temps nécessairement avoir aussi l'âme la plus noble. Ces animaux ont en effet une nature plus noble que celle des <animaux> froids. C'est aussi pourquoi ce sont surtout les animaux dont le poumon est irrigué de sang et chaud [20] qui ont la plus grande taille et, en tout cas, l'animal dont le sang est le plus pur et le plus abondant est celui dont la station est la plus droite, à savoir l'homme, et il est le seul dont le haut du corps est dirigé vers le haut de l'univers, parce que cette partie est telle <qu'on vient de le dire>. En conséquence, il faut admettre que cette partie11 détermine l'essence, aussi bien de l'homme que des autres animaux, au même titre que n'importe quelle autre partie. [25] Voilà donc à quelle fin les <animaux> la possèdent.
Du point de vue cependant de la cause nécessaire et motrice, il faut considérer que les animaux de ce type sont constitués comme un grand nombre <d'êtres vivants> qui ne sont pas de même type. Les uns sont constitués d'une plus grande quantité de terre, comme le genre des plantes, les autres d'une plus grande quantité d'eau, comme celui des animaux aquatiques. Quant aux animaux ailés et terrestres, [30] les uns sont constitués <d'une plus grande quantité d'air> et les autres <d'une plus grande quantité> de feu. Chacun a sa place dans le lieu qui lui est approprié.
14 (20)
Empédocle ne s'exprime pas correctement quand il dit que les animaux qui sont les plus chauds [477b] et qui contiennent le plus de feu sont aquatiques, parce qu'ils fuient l'excès de chaleur inhérent à leur nature12, afin, puisqu'ils manquent de froid et d'humidité, de trouver leur salut dans le lieu dont les qualités sont contraires. L'humide est en effet moins chaud que l'air.
[5] C'est toutefois complètement absurde : comment concevoir que chacun de ces animaux, étant né au sec, change de lieu et passe en milieu humide (car en plus de cela la plupart, ou presque, sont sans pieds) ? Or, parlant de leur constitution originelle, <Empédocle> dit qu'elle a trouvé naissance au sec, et qu'en fuyant ils sont allés dans l'eau. En outre, ils ne sont visiblement pas [10] plus chauds que les animaux terrestres, car les uns sont totalement dépourvus de sang et les autres en ont peu. Mais quels sont ceux qu'il faut qualifier de chauds ou de froids, nous en avons déjà traité en examinant la question pour elle-même. La cause invoquée par Empédocle donne bien une explication de ce que l'on recherche, mais ce qu'il dit n'est cependant pas vrai. [15] Les <animaux> qui connaissent des dispositions excessives sont en effet sauvés par les lieux et les saisons contraires, mais c'est dans les lieux qui lui sont appropriés que la nature est le mieux préservée, car il faut distinguer entre la matière dont est fait chaque animal et les dispositions et états passagers de celle-ci. Je veux dire par exemple que, si la nature constituait quelque chose avec de la cire, ce n'est pas en la plaçant au chaud qu'elle la conserverait, [20] pas plus qu'une chose constituée de glace, car elle serait rapidement détruite par son contraire. Le chaud fait en effet fondre ce qui est constitué de son contraire. Si elle constituait quelque chose de sel ou de nitre, elle ne la transporterait pas non plus ni ne la déposerait dans l'humide, car l'humide détruit ce qui est constitué d'<éléments> secs.
Si donc, dans tous les corps, la matière est faite de l'humide et du sec, il est rationnel [25] que ce qui est constitué d'humidité soit dans les milieux humides et que ce qui est constitué d'<éléments> secs soit dans un milieu sec. C'est pourquoi les arbres ne poussent pas dans l'eau, mais dans la terre. Toutefois, selon la même théorie13, ils devraient pousser dans l'eau, du fait de leur sécheresse excessive, comme notre auteur le dit de ce qui a un excès de feu : ce n'est pas à cause du froid qu'ils [30] viendraient dans l'eau, mais parce qu'elle est humide. Ainsi les propriétés naturelles de la matière se trouvent être de même qualité que le lieu qu'elles occupent : les choses humides dans l'eau, les sèches dans la terre, les chaudes dans l'air. [478a] Les dispositions, toutefois, trouveront plutôt leur salut dans le froid, si elles sont excessivement chaudes, et dans le chaud, si elles sont excessivement froides, car le lieu rétablit la mesure dans l'excès de la disposition. Il faut donc chercher cet effet dans les lieux appropriés [5] à chaque matière et selon les changements du climat. Que les dispositions soient contraires aux lieux, c'est en effet possible, mais il est impossible que la matière le soit.
Ainsi, que ce ne soit pas, comme Empédocle le dit, à cause de la chaleur propre à leur nature que certains animaux sont aquatiques et d'autres terrestres, nous l'avons suffisamment montré, et nous avons montré également pourquoi les uns n'ont pas [10] de poumon, alors que les autres en ont un.
15 (21)
Pourquoi ceux qui ont un poumon absorbent-ils l'air et respirent-ils, et surtout tous ceux dont le poumon est sanguin ? La cause de la respiration, c'est que le poumon est spongieux et plein de bronches, et cette partie est, de toutes celles qu'on appelle les viscères, la plus irriguée de sang. [15] Tous les animaux qui ont le poumon sanguin ont assurément besoin d'un refroidissement rapide à cause de la faible prépondérance de leur chaleur vitale. Il faut en outre que <le refroidissement> se propage partout à l'intérieur à cause de la quantité importante de sang et de chaleur. Ces deux effets, l'air a la capacité de les produire facilement, car, du fait de la subtilité de sa nature, [20] il refroidit en s'insinuant partout et rapidement, au contraire de l'eau.
Pourquoi les animaux qui ont le poumon irrigué de sang sont-ils ceux qui respirent le plus ? Ce qui suit le montre clairement : ce qui est plus chaud a plus besoin de refroidissement et, en même temps, l'air progresse avec facilité vers le principe de la chaleur qui est dans le cœur.
16 (22)
[25] Quant à la manière dont le cœur communique avec le poumon, il faut, afin de l'étudier, se reporter aux dissections et à nos Histoires des animaux. D'une manière générale, en tout cas, la nature des animaux a besoin d'un refroidissement à cause de l'embrasement de l'âme dans le cœur. [30] Tous les animaux qui ont non seulement un cœur, mais aussi un poumon, produisent le refroidissement par l'intermédiaire de la respiration. Ceux qui ont un cœur mais pas de poumon, comme les poissons étant donné leur nature aquatique, produisent le refroidissement grâce à l'eau, par l'intermédiaire des branchies. Quant à la position [35] du cœur par rapport aux branchies, il faut, afin de l'étudier, se reporter aux dissections pour en avoir une expérience directe, et aux Histoires des animaux, pour en avoir une description précise. [478b] Mais, pour en parler sommairement, voici pour l'instant comment les choses se présentent. Il pourrait sembler que la position du cœur n'est pas la même chez les animaux terrestres et chez les poissons, mais la position est bien la même, [5] car la pointe du cœur est à l'endroit vers lequel ils inclinent la tête. Puisque cependant les animaux terrestres et les poissons n'inclinent pas la tête de la même manière, la pointe du cœur est <chez les poissons> tournée vers la bouche. D'autre part, un conduit formé de veines et de nerfs s'étend du sommet du cœur vers le centre <du corps>, où toutes les branchies se rejoignent. [10] Ce conduit est le plus grand mais, de chaque côté du cœur, d'autres conduits s'étendent jusqu'à l'extrémité de chacune des branchies. C'est par leur intermédiaire que le refroidissement atteint le cœur, l'eau s'infiltrant en permanence par les branchies.
D'autre part, chez les animaux qui respirent, la poitrine se meut fréquemment vers le haut et vers le bas quand ils absorbent l'air [15] et le font sortir, de la même manière que les branchies chez les poissons. En outre, <les animaux> qui respirent s'asphyxient lorsqu'ils ont peu d'air et quand celui-ci est toujours le même. Dans l'un et l'autre cas, en effet, il devient rapidement chaud, parce que, dans les deux cas, le contact du sang réchauffe <l'air> qui, étant chaud, empêche le refroidissement. Et, quand ceux qui respirent ne peuvent plus mouvoir [20] leur poumon, ou les animaux aquatiques leurs branchies, du fait d'une affection particulière ou de la vieillesse, alors doit survenir la mort.
DE LA VIE ET DE LA MORT
1 (17-23)
La naissance et la mort sont donc communes à tous les animaux, mais leurs modalités diffèrent selon les espèces. La destruction présente en effet des différences, mais elle a <chez tous> un caractère commun.
La mort est soit violente, [25] soit naturelle. Elle est violente quand le principe en est externe. Elle est naturelle quand il est interne et que la constitution de la partie du corps est telle qu'elle est depuis l'origine, et non pas par suite d'une affection postérieure. Chez les plantes, c'est le dessèchement et chez les animaux, c'est ce qu'on appelle la vieillesse. Mais la mort [30], c'est-à-dire la destruction, se produit de manière identique chez tous les êtres qui ne sont pas imparfaits. Chez les êtres imparfaits, elle est presque identique, mais elle se produit de manière différente. Par « êtres imparfaits », j'entends par exemple les œufs et les graines des plantes, dans la mesure où elles sont sans racines.
Ainsi, chez tous les êtres, la destruction vient d'un manque de chaleur. Chez les êtres complets, ce manque se produit dans la partie où réside le principe de leur substance. Ce principe, comme nous l'avons dit précédemment, se situe dans la partie où se rejoignent le haut et le bas. [35] Chez les plantes, c'est la partie médiane entre le bourgeon et la racine ; chez les animaux sanguins, [479a] c'est le cœur et chez les non-sanguins, c'est la partie qui lui est analogue. Certains d'entre eux possèdent un grand nombre de principes en puissance, sans toutefois les posséder en acte. C'est pourquoi certains insectes survivent une fois sectionnés et, parmi les animaux sanguins, tous ceux qui n'ont qu'une faible vitalité survivent longtemps [5] après qu'on leur a enlevé le cœur, comme les tortues. Elles se meuvent encore grâce à leurs pieds – tant qu'elles ont leur carapace sur elles – parce que leur nature n'est pas bien unifiée, à peu près comme chez les insectes.
Le principe de la vie abandonne ceux qui le possèdent quand la chaleur liée à ce principe n'est plus refroidie. Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, en effet, [10] cette chaleur se consume d'elle-même. Quand donc le poumon chez les uns et les branchies chez les autres durcissent, les branchies des uns et le poumon des autres se desséchant à la longue et devenant terreux, ils ne peuvent plus mouvoir ces parties, ni les soulever et les contracter. Une fois la tension parvenue à son terme, le feu s'éteint. [15] C'est aussi pourquoi, lorsque de petits maux surviennent dans la vieillesse, ils entraînent rapidement la mort, car, à cause de la faible quantité de chaleur, dont la majeure partie a été épuisée par la longueur de la vie, toute tension qui se produit dans cette partie l'éteint rapidement. Il en va comme si une flamme petite et faible se trouvait à l'intérieur de cette partie et qu'elle était éteinte par un faible mouvement. [20] Aussi la mort est-elle indolore lorsqu'elle survient dans la vieillesse, car on meurt sans que survienne aucune affection violente, et la dissolution de l'âme se produit d'une façon tout à fait insensible. En outre, toutes celles des maladies qui rendent le poumon dur à cause d'abcès, de résidus ou d'excès de chaleur maladive, [25] comme chez les fiévreux, rendent le souffle court parce que le poumon ne peut plus se soulever ni s'abaisser à fond. À terme, lorsqu'ils ne peuvent plus effectuer ces mouvements, les animaux meurent en rendant leur dernier souffle.
2 (18-24)
La naissance est donc la première participation de l'âme nutritive à la chaleur et [30] la vie est la persistance <de cette participation> ; la jeunesse correspond à la croissance de la partie qui est la première à accomplir le refroidissement ; la vieillesse correspond à son déclin ; la maturité est la phase intermédiaire. La mort et la destruction violentes consistent dans l'extinction et la consomption de la chaleur (car ces deux causes peuvent provoquer la destruction), [479b] tandis que la mort naturelle est une consomption de cette même chaleur, qui se produit à la longue et arrive à la fin <de la vie>. Chez les plantes, c'est donc le dessèchement et chez les animaux, ce qu'on appelle la mort. La mort dans la vieillesse est une consomption de cette partie, [5] causée par une impuissance à refroidir provoquée par l'âge. Nous avons donc dit ce que sont la naissance, la vie et la mort et quelles sont les causes de leur présence chez les animaux.
3 (19-25)
On voit clairement, à partir de là, quelle est la cause du fait que l'asphyxie, chez les animaux qui respirent, survient dans l'eau, alors que, chez les poissons, [10] elle survient dans l'air : le refroidissement s'effectue par l'intermédiaire de l'eau chez les uns et par l'intermédiaire de l'air chez les autres, et les uns et les autres en sont privés1 quand ils changent de lieu. En ce qui concerne la cause du mouvement des branchies chez les uns et du poumon chez les autres – soulèvement et affaissement pour ceux qui expirent et inspirent, [15] absorption et rejet de l'eau pour ceux qui absorbent l'eau –, ainsi que la constitution de l'organe, voici comment les choses se passent.
4 (20-26)
Il y a, dans le fonctionnement du cœur, trois états, qui paraissent avoir la même nature, bien que ce ne soit pas le cas : palpitation, pulsation et respiration.
La palpitation tout d'abord est la concentration [20] de la chaleur contenue dans le cœur, due à un refroidissement venant des résidus ou des matières en dissolution, comme dans cette maladie qu'on appelle le spasme, ainsi que dans d'autres maladies, ou lors des frayeurs. En effet, ceux qui sont pris de frayeur se refroidissent dans leurs parties supérieures, et la chaleur, s'enfuyant et se rassemblant <dans le cœur>, produit la palpitation. Elle se ramasse en un si petit endroit [25] que parfois les animaux s'éteignent et meurent de peur et d'une affection maladive.
L'état de pulsation du cœur, qui s'effectue visiblement sans cesse et de manière continue, est semblable aux abcès, qui produisent un mouvement douloureux parce que le sang connaît un changement contre-nature, et cela [30] jusqu'à ce qu'on les fasse suppurer, une fois la coction faite. Cette affection est comme une ébullition, car l'ébullition a lieu lorsque le liquide s'évapore sous l'effet de la chaleur. Il monte en effet parce que sa masse devient plus importante. <L'affection> cesse avec la putréfaction dans le cas des abcès – s'ils ne s'évaporent pas –, parce que l'humidité est devenue plus épaisse. [480a] Dans le cas de l'ébullition, <le phénomène> cesse lorsque <le liquide> déborde de son contenant.
Dans le cœur, l'accumulation, sous l'effet de la chaleur, de l'humidité provenant sans cesse de la nourriture provoque une palpitation, en montant jusqu'à l'ultime membrane du cœur. Et [5] tout cela se produit sans cesse continûment, car l'humidité d'où provient la nature du sang s'écoule sans cesse. Celle-ci, en effet, est d'abord élaborée dans le cœur. C'est clair, si l'on se réfère au début de la génération : il y a du sang <dans le cœur>, alors que les veines ne sont pas encore différenciées, et c'est pour cela que le sang bat plus vite chez les sujets plus jeunes que chez les sujets plus âgés. [10] L'exhalaison est en effet plus abondante chez les plus jeunes. En outre, toutes les veines battent toutes en même temps parce qu'elles sont rattachées au cœur. Or celui-ci est sans cesse en mouvement. C'est pourquoi elles le sont aussi, toutes en même temps, lorsqu'il se meut.
Ainsi, la palpitation est le processus de résistance à la concentration du froid et la pulsation est [15] l'évaporation de l'humidité qui a été réchauffée.
5 (21-27)
La respiration se produit, quant à elle, avec l'augmentation de la chaleur à l'endroit où se trouve le principe nutritif. De même en effet que toutes les autres <parties> ont besoin de nourriture, celle-ci en a également besoin et plus encore que les autres, car elle est cause de la nutrition des autres parties. Il est cependant nécessaire que, lorsque <la chaleur> est plus abondante, [20] cet organe se soulève. Nous devons supposer que la constitution de cet organe est à peu près semblable aux soufflets dans les forges, car ni le poumon ni le cœur ne sont très loin d'admettre une configuration de ce type. Celle-ci est double, car il faut que <l'organe> de la nutrition se situe au milieu par rapport à la faculté de refroidissement.
[25] Quand donc il2 devient plus important, il se soulève et, comme il se soulève, il est nécessaire que la partie qui l'entoure3 se soulève aussi. C'est manifestement ce que font ceux qui respirent. Ils soulèvent en effet la poitrine parce que le principe de cette partie4, principe qui réside dans <la poitrine>, fait la même chose. Quand <cet organe> se soulève, nécessairement [30] l'air extérieur, qui est froid, s'introduit comme dans les soufflets et, en refroidissant, [480b] atténue l'excédent de feu. Toutefois, de même qu'avec l'augmentation <de la chaleur> cette partie s'est soulevée, ainsi elle s'affaisse nécessairement quand <cette chaleur> se consume et, en s'affaissant, elle fait ressortir l'air qui était entré. L'air est froid en entrant mais chaud en sortant, à cause du contact avec la chaleur [5] qui réside dans cette partie, et cela se produit surtout chez ceux dont le poumon est irrigué de sang. En effet, <l'air> s'introduit dans les nombreuses bronches, semblables à des conduits, qui se trouvent dans le poumon. Elles sont toutes disposées le long des veines, de sorte que le poumon semble tout entier rempli de sang. Or, on appelle « respiration » la pénétration de l'air et [10] « expiration » son mouvement de sortie. Ce processus se produit en outre sans cesse et continûment, aussi longtemps que l'animal vit et meut cette partie de façon continue. C'est précisément pour cette raison que la vie consiste à inspirer et à expirer.
C'est encore de la même manière que s'effectue chez les poissons le mouvement des branchies. En effet, quand la chaleur présente dans le sang qui parcourt [15] les parties <du corps> s'élève, les branchies se soulèvent également et laissent passer l'eau. Mais, quand <la chaleur> descend vers le cœur par les conduits et qu'elle se refroidit, <les branchies> s'affaissent et rejettent l'eau. Durant tout le temps que <la chaleur> présente dans le cœur s'élève, celui-ci la contient et, quand elle se refroidit à nouveau, il la rejette. Aussi vivre et ne pas vivre trouvent-ils leur accomplissement chez ces animaux-là dans [20] la respiration et chez ceux-ci dans l'absorption de l'eau.
Nous avons donc traité à peu près complètement de ce qui concerne la vie et la mort ainsi que des questions liées à cet examen. D'autre part, ce n'est pas seulement au médecin, mais aussi, jusqu'à un certain point, au naturaliste qu'il revient d'exposer les causes de la santé et de la maladie. Les aspects sous lesquels ils diffèrent et sous lesquels diffèrent aussi les objets qu'ils étudient [25] ne doivent pas nous échapper, bien que les faits montrent que, jusqu'à un certain point, leurs domaines respectifs ont une réelle affinité. En effet, tous les médecins cultivés et curieux disent quelque chose sur la nature et jugent convenable d'y puiser leurs principes et, parmi ceux dont l'affaire est d'étudier la nature, les plus habiles terminent en quelque sorte <leurs recherches> [30] avec les principes de la médecine.
INTRODUCTION AUX TRAITÉS ZOOLOGIQUES
Les écrits qu'Aristote a consacrés aux animaux représentent environ le quart des traités réputés « authentiques » du corpus aristotélicien. Alors qu'ils avaient été fort prisés au Moyen Âge et à la Renaissance, les interprètes modernes de la philosophie d'Aristote les ont largement ignorés, en laissant l'étude aux historiens de la zoologie. Dans la seconde moitié du XXe siècle, à l'occasion de ce que l'on a appelé le biological turn, un double mouvement de reconquête s'est développé. D'abord on s'est efforcé, non sans succès, de retrouver dans les textes biologiques d'Aristote les concepts et les schèmes explicatifs à l'œuvre dans ses traités logiques et métaphysiques. Puis, par un mouvement inverse, on s'est servi des textes biologiques pour affiner notre approche du reste du corpus. Quand on saisit, par exemple, que dans sa description des processus physiques, ce sont le plus souvent des êtres vivants qu'Aristote a à l'esprit, on comprend mieux la nature de ces processus. La prise en compte de l'utilisation de la causalité dans les textes zoologiques, de même, est indispensable à la juste appréciation de l'étiologie aristotélicienne.
Le corpus zoologique proprement dit comprend trois grands traités et deux plus petits. L'Histoire des animaux, même si on la réduit à neuf livres, puisque le dixième, qui traite de stérilité, est sans doute apocryphe, est le plus long des ouvrages d'Aristote qui nous sont parvenus. Ce fut, jusqu'aux Temps modernes, la plus importante collection de faits relatifs aux animaux qui ait été conservée. Loin d'en avoir fait une compilation sans fil directeur, Aristote y aborde la diversité animale selon quatre points de vue : il s'agit de saisir les différences entre les animaux selon leurs genres de vie, leurs activités, leur caractère et leurs parties, cette dernière approche l'emportant de beaucoup sur les trois autres. Prenant l'homme comme parangon, puisqu'il est l'animal « le plus conforme à la nature », l'Histoire des animaux étudie les différentes parties des vivants, en allant des plus proches aux plus éloignés du modèle humain. Locomotion, respiration, digestion, système vasculaire, organes reproducteurs, etc., des mammifères, puis des oiseaux, des poissons, des cétacés, des insectes, des mollusques, des crustacés, l'étendue et la minutie de l'étude laissent pantois. Les observations du comportement des animaux et de leurs traits de caractère que l'on trouve dans cet ouvrage appuient aussi la remarque de Cuvier selon laquelle Aristote n'avait laissé que « peu de choses à faire » aux zoologistes ultérieurs.
Les observations de l'Histoire des animaux mettent avant tout en évidence des corrélations – tout animal qui a un poumon est sanguin – et des modes de fonctionnement qui, de l'aveu même d'Aristote, trouvent leur explication, et notamment leur explication finale, ailleurs et principalement dans le traité des Parties des animaux. Cet ouvrage en quatre livres (dont le premier, qui est d'un ton si différent des autres qu'on ne peut guère douter qu'il en soit originairement distinct, est une sorte de discours de la méthode en biologie) constitue le cœur théorique de la zoologie d'Aristote et, par ce fait même, de sa physique, sinon de sa philosophie tout entière. Dans le livre I, Aristote s'en prend aux explications « mécanistes » de ses devanciers présocratiques, principalement Empédocle et Démocrite. Il n'est pas vrai, selon lui, que le hasard et la nécessité des lois de la nature suffisent à expliquer la formation et le fonctionnement des êtres vivants. Il faut qu'un « programme » guide le déroulement des processus. Dans le cas de la formation des êtres vivants, ce programme est présent dans la semence du père de l'animal.
Loin de tomber dans un providentialisme à la Bernardin de Saint-Pierre, Aristote montre comment chaque espèce a été pourvue des caractères et des capacités qui peuvent lui assurer une survie éternelle dans la niche écologique qui est la sienne. La mauvaise appréciation du finalisme aristotélicien qui a eu cours jusqu'à récemment tient surtout à la manière de s'exprimer choisie par Aristote. Quand il dit, par exemple, que « la nature ne fait rien en vain », ou qu'elle « réalise toujours le meilleur », ou qu'elle donne d'un côté ce qu'elle ôte de l'autre, on a l'impression qu'il s'agit d'une nature qui délibère, voire essaie et corrige, et, en tout cas, qui a des intentions. Or l'éternité des espèces animales qui va avec l'éternité du monde d'Aristote exclut que la nature modifie quoi que ce soit. De plus, si l'explication des traits et des actions des animaux est, dans Les Parties des animaux, massivement finaliste, car peu de parties ou de caractères sont « en vue de rien », comme c'est le cas de la bile, l'explication finaliste se combine toujours avec une explication « mécaniste ». La nature a, dans tel animal, réalisé le meilleur, ou en tout cas a agencé les choses de manière à ce que l'espèce puisse survivre éternellement, mais en respectant scrupuleusement ce que nous appellerions les lois physico-chimiques de la matière. Toutes les « lois » dégagées par Aristote dans ses ouvrages physiques, De la génération et la corruption par exemple, qui montrent comment, certaines conditions étant données, tels effets s'ensuivent nécessairement, ne sauraient être violées. Ce sont ces processus nécessaires qui étaient invoqués par les présocratiques. Ils gardent, aux yeux d'Aristote, une évidente valeur explicative, mais ils ne suffisent pas à rendre compte des phénomènes vitaux.
La Génération des animaux, comme son titre l'indique, traite de la reproduction animale. Aristote expose sa conception avec beaucoup de détails. Si l'on excepte les animaux qui se reproduisent par génération spontanée à partir de la décomposition de matières organiques, la reproduction met en œuvre un mâle et une femelle, dont les différences sont remarquables. À l'encontre de ceux de ses devanciers qui donnaient aux deux sexes un rôle à peu près égal dans la conception, Aristote soutient que seul le mâle a une fonction vraiment génétique, parce que seul il a la chaleur interne nécessaire à l'élaboration du sperme à partir du sang, lequel est lui-même de la nourriture élaborée. La femelle, plus froide par nature, ne parvient qu'à un degré inférieur d'élaboration, ce qui donne une matière, qu'Aristote semble assimiler au sang des règles. C'est en recevant sa forme des mouvements contenus dans le sperme que cette matière constitue un embryon. Ces mouvements pris ensemble constituent un véritable programme, qu'Aristote caractérise comme une forme. Cela fait que l'embryon se construit dans un certain ordre, le cœur ou son analogue se formant en premier. Le mâle ne contribue donc pas matériellement à la conception, le liquide spermatique n'étant que le support matériel du système de mouvements qui façonnent l'embryon. Cette théorie sexiste se heurte à bien des difficultés, auxquelles Aristote apporte des réponses subtiles à défaut d'être convaincantes. Ainsi, dans une telle théorie, comment expliquer la naissance d'une femelle ou la ressemblance des petits avec leur mère ?
On voit que la cause finale, représentée, dans le processus de génération, par l'âme du générateur, guide tout ce processus, et Aristote a bien conscience que les théories mécanistes comme celles d'Empédocle ou des atomistes sont à la peine pour rendre compte de la régularité de la transmission des caractères spécifiques de chaque espèce. Mais, comme dans Les Parties des animaux, Aristote fait une place, et une place non négligeable, aux causes matérielle et efficiente. La matière fournie par la femelle, en effet, n'est pas pure passivité et joue, si l'on peut dire, son propre jeu en provoquant des déviations par rapport au programme formel du mâle. D'où la naissance de femelles, mais aussi de monstres. Par ailleurs, certains caractères que les vivants possèdent de naissance, comme la couleur des yeux, dépendent d'une causalité mécanique. Aristote les étudie dans le livre V et dernier du traité.
L'étude de la locomotion animale qu'Aristote offre dans Le Mouvement des animaux et La Locomotion des animaux (l'authenticité du premier traité ayant été mise en doute) est remarquable à plusieurs titres. Elle est d'abord minutieuse et détaillée, Aristote cherchant des schémas communs applicables à des animaux très différents. Mais le premier de ces traités propose aussi une théorie du mouvement animal englobant l'étude de la motivation humaine à travers celle du fameux « syllogisme pratique », qui explique comment le sujet humain libre se détermine à agir en appliquant des maximes générales (par exemple, tel type d'aliment est bon pour la santé) à des conditions particulières. Nous avons là un exemple remarquable de l'utilisation d'un même instrument théorique dans des domaines radicalement distincts, puisque c'est en éthique que le syllogisme pratique trouve son application la plus intéressante.
Histoire des animaux
LIVRE I
Chapitre 1
Les différentes sortes de parties
[486a5] Des parties qui composent les animaux, les unes ne sont pas composées, toutes celles qui se divisent en homéomères, par exemple les chairs qui se divisent en chairs, les autres sont composées, toutes celles qui se divisent en anoméomères, par exemple la main ne se divise pas en mains, ni le visage en visages. Parmi ces dernières, certaines sont appelées non seulement parties, mais aussi membres. Telles sont toutes celles [10] des parties qui, étant des touts, ont en elles-mêmes diverses parties, par exemple la tête, la jambe, la main, l'ensemble du bras, le thorax. Ces parties, en effet, sont elles-mêmes des touts et des parties diverses leur appartiennent. Tous les anoméomères sont composés d'homéomères, par exemple la main de chair, de tendons et d'os.
Différences entre les parties et les animaux
[15] Certains animaux ont entre eux toutes leurs parties semblables, d'autres ont des parties différentes. Il y a des parties de même forme, par exemple le nez et l'œil d'un homme par rapport au nez et à l'œil d'un autre homme, la chair par rapport à la chair et l'os par rapport à l'os. Il en est aussi de même pour le cheval et les autres animaux que nous disons identiques entre eux par la forme. [20] Car il y a la même relation entre un tout et un tout, et entre chacune des parties et chaque autre. Celles, en revanche, qui sont les mêmes, mais diffèrent par l'excès et le défaut, sont toutes d'une même famille. J'appelle une famille, par exemple, l'oiseau ou le poisson. Chacun des deux, en effet, appartient à une famille différente et il y a plusieurs formes [25] de poissons et d'oiseaux. On peut dire que la plupart des parties [486b5] diffèrent à l'intérieur des mêmes familles par des qualités contraires, comme la couleur, la forme, du fait que les unes sont plus affectées des mêmes propriétés et les autres moins, et aussi le grand et le petit nombre, la grandeur et la petitesse et, d'une manière générale, l'excès et le défaut. En effet, certains animaux ont la chair molle, d'autres la chair dure, [10] certains ont le bec long, d'autres court, certains ont beaucoup de plumes, d'autres peu. Mais ce n'est, certes, pas toujours le cas, car même chez ces animaux <de même famille> certaines parties se trouvent chez certains animaux, par exemple les uns ont des ergots, les autres non, certains ont une crinière, d'autres non. Mais on peut dire que la plupart des parties dont [15] la masse totale de l'animal est constituée soit sont les mêmes, soit diffèrent selon les contraires, c'est-à-dire l'excès et le défaut. On peut en effet considérer le plus et le moins comme excès et défaut.
Certains animaux n'ont leurs parties identiques ni selon la forme ni selon l'excès et le défaut, mais selon l'analogie, par exemple le rapport de [20] l'os à l'arête, de l'ongle au sabot, de la main à la pince, de la plume à l'écaille. Car ce qui est plume chez l'oiseau est écaille chez le poisson.
Telle est donc la manière dont les différents animaux sont autres et sont les mêmes selon les parties qu'ils possèdent ; et ils diffèrent aussi selon la position des parties. Beaucoup d'animaux, en effet, ont les mêmes parties, mais [25] disposées d'une manière qui n'est pas identique, par exemple les uns ont les mamelles sur la poitrine, les autres [487a] près des cuisses.
Parmi les parties homéomères, les unes sont molles et humides, les autres sèches et solides, celles qui sont humides le sont soit totalement, soit dans la mesure où cela appartient à leur nature, par exemple le sang, le sérum, la graisse, le suif, la moelle, la semence, la bile, le lait chez ceux qui en ont, la chair et [5] leurs analogues, et aussi, d'une autre manière, les résidus, par exemple le phlegme et les dépôts de l'intestin et de la vessie. Celles qui sont sèches et solides sont, par exemple, le tendon, la peau, le vaisseau, le poil, l'os, le cartilage, l'ongle, la corne (la partie a en effet le même nom que le tout dans les cas où du fait de sa forme le tout lui aussi s'appelle « corne »), et aussi toutes celles qui leur sont analogues.
Différences entre les animaux
[10] Les différences entre les animaux concernent leurs genres de vie, leurs activités, leur caractère et leurs parties ; nous en parlerons d'abord schématiquement, et, ensuite, nous en traiterons en nous arrêtant sur chaque genre. Les différences selon les modes de vie, le caractère [15] et les activités sont les suivantes : certains animaux sont aquatiques, d'autres sont terrestres, ceux qui sont aquatiques se divisent en deux, les uns parce qu'ils passent leur vie dans l'élément liquide et en tirent leur nourriture, et aussi qu'ils l'absorbent et le rejettent et ne peuvent pas vivre quand ils en sont privés, comme cela arrive à beaucoup de poissons, alors que les autres tirent leur nourriture [20] de l'élément liquide et y passent leur temps, mais n'absorbent pas de l'eau mais de l'air et mettent bas hors de l'eau. Plusieurs animaux de ce genre ont aussi des pattes, comme la loutre, le ragondin et le crocodile, d'autres ont aussi des ailes, par exemple la mouette et le grèbe, d'autres sont aussi apodes, par exemple le serpent d'eau. Certains tirent leur nourriture de l'élément liquide et ne peuvent pas vivre en dehors, [25] mais n'absorbent ni de l'air ni de l'élément liquide, par exemple l'acalèphe et les coquillages.
Parmi les animaux aquatiques, les uns vivent dans la mer, d'autres dans les rivières, d'autres dans les étangs, d'autres dans les marécages, comme la grenouille et le triton.
Parmi les animaux terrestres, les uns absorbent et rejettent l'air, ce qu'on appelle inspirer et expirer, par exemple [30] l'être humain et tous ceux des animaux terrestres qui ont un poumon. D'autres n'absorbent pas d'air, vivent et trouvent leur nourriture sur la terre, comme la guêpe, l'abeille et les autres insectes. J'appelle insectes tous les animaux qui ont des sections sur le corps soit sur les parties ventrales, soit sur les parties ventrales et dorsales. Et parmi les animaux terrestres, [487b] beaucoup, comme on l'a dit, se procurent leur nourriture dans l'élément liquide, alors que parmi les animaux aquatiques et qui absorbent l'eau de mer, aucun ne tire sa nourriture de la terre.
Certains animaux vivent d'abord dans l'élément liquide et ensuite changent de forme et vivent en dehors, par exemple [5] les vers de rivière, car c'est d'eux que viennent les œstres.
Les modes de déplacement
De plus, certains animaux restent au même endroit, d'autres se déplacent. Ceux qui restent au même endroit vivent dans l'élément liquide, alors qu'aucun des animaux terrestres ne reste au même endroit. Dans l'élément liquide, beaucoup d'animaux vivent fixés à quelque chose, par exemple beaucoup de familles de coquillages. Il semble bien que l'éponge elle aussi ait une certaine [10] sensibilité ; un signe en est qu'elle est plus difficile à détacher, à ce qu'on dit, si l'on ne se meut pas discrètement. Il y en a aussi qui se fixent et se détachent, par exemple une famille de ce que l'on appelle l'ortie de mer ; certains de ces animaux, en effet, se détachent la nuit pour se nourrir. Mais beaucoup, tout en étant détachés, ne se meuvent pas, par exemple les coquillages et [15] ce qu'on appelle les holothuries. Certains nagent, par exemple les poissons, les mollusques et les crustacés, par exemple les langoustes. D'autres marchent, par exemple la famille des crabes. Cette famille, en effet, tout en vivant dans l'eau, a une nature de marcheur.
Parmi les animaux terrestres, les uns ont des ailes, comme les oiseaux et les abeilles, et cela d'une manière différente les uns [20] des autres, les autres sont pédestres. Et parmi les pédestres, les uns marchent, d'autres rampent, d'autres se contractent. Aucun ne fait que voler, comme le poisson ne fait que nager. En effet, même les animaux à ailes faites de peau marchent : la chauve-souris a des pieds et le phoque des pieds mutilés. Et parmi les oiseaux, certains ont de mauvaises pattes, [25] qui, pour cette raison, sont appelés des apodes. Cette sorte de petit oiseau vole bien, et il est à peu près vrai que ceux qui lui ressemblent eux aussi volent bien et ont de mauvaises pattes, par exemple l'hirondelle et le martinet. Tous les oiseaux de cette sorte, en effet, ont les mêmes mœurs et les mêmes ailes et leur aspect est voisin l'un de l'autre. L'apode est visible en toute saison, alors que le martinet [30] l'est lorsqu'il a plu en été ; c'est alors, en effet, qu'on le voit et qu'on le capture, mais d'une manière générale, cet oiseau est rare. Beaucoup d'animaux sont à la fois marcheurs et nageurs.
Vie en groupe ou solitaire
Voici les différences concernant les modes de vie et les activités. Les uns sont grégaires, d'autres [488a] solitaires, aussi bien ceux qui marchent que ceux qui volent et ceux qui nagent, d'autres participent des deux modes de vie. Et parmi les grégaires et les solitaires, les uns sont politiques, les autres vivent séparés. Sont grégaires parmi les oiseaux la famille des pigeons, la grue, le cygne, [5] mais aucun rapace n'est grégaire, et parmi les nageurs beaucoup de familles de poissons, par exemple ceux qu'on appelle les coureurs, les thons, les pelamys [pélamide], les bonitons. L'être humain participe des deux. Sont politiques les animaux qui ont une œuvre unique commune à tous, et c'est précisément ce que n'a aucun des grégaires. Sont ainsi l'être humain, [10] l'abeille, la guêpe, la fourmi, la grue. Et, parmi eux, les uns sont soumis à un chef, alors que les autres ne subissent pas de pouvoir, par exemple la grue et la famille des abeilles sont soumises à un chef, alors que les fournis et d'innombrables autres ne subissent pas de pouvoir. Et parmi les grégaires aussi bien que parmi les solitaires les uns sont sédentaires, les autres se déplacent.
Autres différences
Et certains sont carnivores, [15] d'autres frugivores, d'autres omnivores, d'autres ont une nourriture propre, par exemple la famille des abeilles et celle des araignées. La première fait du miel et d'autres substances sucrées peu nombreuses sa nourriture, alors que les araignées vivent de la chasse aux mouches. D'autres font leur nourriture de poissons. Et certains chassent, [20] d'autres font des réserves de nourriture, d'autres n'en font pas. Et certains ont des habitations, d'autres n'ont pas d'habitation : ont une habitation par exemple la taupe, la souris, la fourmi, l'abeille, n'ont pas d'habitation beaucoup d'insectes et de quadrupèdes.
De plus, concernant les lieux d'habitation, les uns vivent dans des trous, par exemple le lézard, le serpent, les autres en surface, par exemple le cheval, le chien. Et certains [25] creusent des trous, d'autres n'en creusent pas. Et certains sont nocturnes, par exemple la chouette, la chauve-souris, d'autres vivent en pleine lumière.
De plus, les animaux sont domestiques et sauvages, certains le sont toujours, par exemple l'être humain et le mulet sont toujours domestiques, d'autres sont toujours sauvages, comme la panthère et le loup. D'autres peuvent aussi être rapidement domestiqués, par exemple l'éléphant. Il y a aussi un autre mode de distinction : [30] en effet, toutes les familles qui sont domestiques existent aussi à l'état sauvage, par exemple les chevaux, les bovins, les porcs, les êtres humains, les moutons, les chèvres, les chiens.
Et certains émettent des sons, d'autres sont muets, d'autres ont une voix, et parmi ces derniers certains ont un langage, d'autres ne produisent pas de sons articulés, et certains babillent, d'autres se taisent, d'autres chantent, d'autres ne chantent pas. Mais tous ceux [488b] qui chantent et qui pépient ont en commun de le faire surtout à la saison des amours.
Et certains <oiseaux> vivent en plaine, comme le ramier, d'autres dans les montagnes, comme la huppe, d'autres avec les humains, par exemple le pigeon.
Et certains sont très portés au plaisir sexuel, par exemple les familles des perdrix et des coqs, [5] d'autres sont continents, par exemple la famille des corvidés ; ceux-ci, en effet, s'accouplent rarement.
Et parmi les animaux marins, certains vivent en haute mer, d'autres près des côtes, d'autres dans les rochers.
De plus, certains animaux sont prompts à se défendre, d'autres à se mettre à l'abri ; sont prompts à se défendre tous ceux qui attaquent ceux qui leur font tort ou s'en défendent, [10] se mettent à l'abri tous ceux qui ont en eux-mêmes un moyen déterminé pour ne pas subir d'atteinte.
Différences de caractère
Les animaux diffèrent aussi par les différences suivantes concernant leur caractère. Certains sont doux, placides et sans obstination, par exemple le bœuf, d'autres sont irascibles, obstinés et inéducables, par exemple le sanglier, [15] d'autres sont prudents et timides, par exemple le cerf, le lièvre, d'autres sont vils et traîtres, par exemple les serpents, d'autres sont nobles, courageux et de bonne race, par exemple le lion, d'autres sont racés, sauvages et traîtres, par exemple le loup. Est de bonne race celui qui est issu d'une bonne parenté, est racé celui qui ne s'est pas écarté de [20] sa nature. Et certains sont rusés et malfaisants, par exemple le renard, d'autres ont du cœur, affectueux et caressants, par exemple le chien, d'autres sont doux et faciles à domestiquer, par exemple l'éléphant, d'autres sont réservés et sur leurs gardes, par exemple l'oie, d'autres sont jaloux et vaniteux, par exemple le paon. Mais, parmi les animaux, seul l'être humain est capable de délibération. [25] Plusieurs participent à la mémoire et à la capacité d'apprendre, mais aucun autre ne peut avoir de réminiscence, sinon l'être humain.
Mais nous parlerons avec plus d'exactitude du caractère et des modes de vie de chaque famille plus tard.
Chapitre 2
Les organes de la nutrition
Sont des parties communes à tous les animaux celles par lesquelles ils prennent la [30] nourriture et celles dans lesquelles ils la reçoivent. Ces parties sont les mêmes et différentes selon les manières qu'on a dites, en différant selon la forme, ou l'excès, ou l'analogie, ou la position. Mais, après cela, outre celles-ci, la plupart des animaux ont d'autres parties communes, celles par lesquelles est évacué le résidu de la nourriture. Car [489a] tous n'ont pas cet organe. On appelle la partie qui prend la nourriture la bouche et celle dans laquelle elle est reçue l'estomac. Le reste a plusieurs noms. Comme le résidu est de deux sortes, tous ceux qui ont des parties destinées à recevoir le résidu humide ont aussi celles qui reçoivent le résidu de la nourriture sèche, [5] alors que parmi ceux qui ont celles-ci, tous n'ont pas celles-là. C'est pourquoi tous ceux qui ont une vessie ont aussi un ventre, alors que parmi ceux qui ont un ventre, tous n'ont pas une vessie. On appelle, en effet, la partie qui reçoit la nourriture humide la vessie, et celle qui reçoit la nourriture sèche le ventre.
Chapitre 3
Différence des sexes
Pour le reste, beaucoup des animaux possèdent, outre ces parties, celle qui émet la semence. [10] Et parmi ceux qui ont la faculté d'engendrer des animaux, dans un cas l'émission a lieu dans l'animal lui-même, dans l'autre cas dans un autre. Celui chez qui l'émission a lieu en lui-même, on l'appelle femelle, et mâle celui chez qui elle a lieu en un autre. Chez certains il n'y a pas de mâle et de femelle. C'est ainsi aussi que la forme des parties dévolues à cette fonction diffère ; certains, en effet, ont une matrice, les autres un organe [15] analogue. Telles sont donc les parties les plus nécessaires aux animaux, les unes étant attribuées à tous, d'autres à la plupart d'entre eux.
L'organe du toucher
Un sens appartient à tous les animaux, le seul qu'ils aient en commun, le toucher, de sorte que la partie dans laquelle il se trouve par nature n'a pas de nom ; les uns, en effet, l'ont identique, les autres en ont un analogue.
Chapitre 4
Le sang, le toucher et autres parties
[20] Tout animal possède un liquide et, quand il en est privé, soit naturellement, soit par violence, il périt. De plus, l'endroit où il se trouve constitue une autre partie. Chez les uns, c'est le sang et le vaisseau, chez les autres leurs analogues ; mais ces parties analogues sont imparfaites, par exemple la fibre et le sérum.
Le toucher est donc situé dans une partie homéomère, à savoir la chair ou quelque chose de ce genre [25] et, d'une manière générale, dans les parties sanguines chez tous les animaux qui ont du sang. Chez les autres, il est situé dans l'analogue des parties sanguines, mais chez tous dans des parties homéomères. Les facultés actives, en revanche, sont situées dans des parties anoméomères, par exemple l'élaboration de la nourriture dans la bouche, et le mouvement local dans les pattes, les ailes ou leurs analogues.
[30] En outre, il y a des animaux qui sont sanguins, par exemple l'être humain, le cheval et tous ceux qui, une fois leur maturité atteinte, sont soit apodes, soit bipèdes, soit quadrupèdes, et les autres qui sont non sanguins, comme l'abeille, la guêpe, parmi les animaux marins la seiche et la langouste et tous les animaux qui ont plus de quatre pattes.
Chapitre 5
Modes de reproduction
Et certains animaux sont vivipares, d'autres ovipares, [35] d'autres larvipares. Sont vivipares, par exemple, l'être humain, le cheval, [489b] le phoque et tous les autres qui ont des poils, et parmi les animaux aquatiques les cétacés, comme le dauphin et ceux qu'on appelle les sélaciens. Parmi ces animaux aquatiques, les uns ont une ouverture mais pas de branchies, comme le dauphin et la baleine (le dauphin a l'ouverture le long du dos, la [5] baleine sur le front), d'autres ont des branchies découvertes, comme les sélaciens, les squales et les raies.
On appelle œuf, parmi les embryons qui sont achevés, celui à partir duquel se forme l'animal engendré, une partie donnant le principe, l'autre partie étant la nourriture du rejeton. Une larve est le tout à partir duquel est engendré le tout de l'animal, par différenciation et [10] accroissement de l'embryon.
Parmi les vivipares, certains pondent un œuf en eux-mêmes, par exemple les sélaciens, d'autres engendrent un vivant en eux-mêmes, par exemple l'être humain et le cheval. Ce qui vient au jour quand l'embryon est achevé, chez certains c'est un animal, chez d'autres un œuf, chez d'autres une larve. Parmi les œufs, certains ont une enveloppe dure et sont bicolores, par exemple ceux [15] des oiseaux, d'autres ont une enveloppe molle et ont une seule couleur, par exemple ceux des sélaciens. Parmi les larves, les unes sont dès le début mobiles, les autres sont immobiles. Mais il faudra traiter de cela avec exactitude dans le traité sur la génération.
Modes de locomotion
De plus, certains animaux ont des pattes, les autres sont apodes, [20] et, parmi ceux qui en ont, certains en ont deux, c'est le cas seulement de l'être humain et des oiseaux, d'autres quatre, par exemple les lézards et le chien, d'autres en ont plus, par exemple la scolopendre et l'abeille. Mais tous ont les pattes en nombre pair.
Parmi tous les nageurs apodes, les uns ont des nageoires, comme les poissons, et parmi eux certains ont quatre [25] nageoires, deux en haut sur les parties dorsales et deux en bas sur les parties ventrales, par exemple la dorade et le loup, d'autres n'en ont que deux, tous ceux qui sont allongés et lisses, par exemple l'anguille et le congre. D'autres n'en ont pas du tout, par exemple la murène et tous les poissons qui se servent de la mer comme les serpents se servent de la terre, et ceux-ci nagent dans l'élément liquide de la même manière que ces poissons. [30] Parmi les sélaciens, certains n'ont pas de nageoires, par exemple ceux qui sont plats et ont une queue, comme la raie et la pastenague, mais ils nagent grâce à leur largeur même. La grenouille de mer [baudroie], en revanche, en a, ainsi que tous ceux dont la largeur ne se rétrécit pas. Tous les animaux aquatiques qui semblent avoir des pattes, comme les mollusques, nagent à la fois avec elles et avec leurs [35] nageoires et plus vite dans le sens du sac, par exemple la seiche, le petit calmar et [490a] le poulpe, mais aucun des deux premiers ne marche comme le fait le poulpe.
Les crustacés, par exemple la langouste, nagent avec leur appendice caudal, avec la vitesse la plus grande quand ils le font du côté de la queue grâce aux nageoires qui s'y trouvent. Le triton nage avec ses pattes et sa queue ; il a une queue qui ressemble à celle du silure, [5] dans la mesure où le petit peut être comparé au grand.
Parmi les volatiles, les uns ont des plumes, par exemple l'aigle et le faucon, d'autres une membrane, par exemple l'abeille et le hanneton, d'autres des ailes de peau, par exemple le renard volant et la chauve-souris. Ceux qui ont des plumes, donc, sont tous sanguins, et il en est de même de ceux qui ont les ailes faites de peau. Ceux qui ont des membranes sont tous non sanguins, par exemple les insectes. [10] Les volatiles aux ailes en plume ou formées de peau sont tous soit bipèdes, soit apodes. On dit, en effet, qu'il y a des serpents qui sont ainsi en Éthiopie. La famille des animaux à ailes en plumes est appelée oiseau, les deux autres familles n'ont pas de nom unique.
Parmi les volatiles qui sont non sanguins, les uns sont des coléoptères (en effet, leurs ailes sont dans un élytre, [15] par exemple les hannetons et les scarabées), les autres n'ont pas d'élytres, et parmi ceux-ci certains ont deux ailes, les autres quatre ; ont quatre ailes tous qui sont grands ou tous ceux qui portent leur dard vers l'arrière, et en ont deux tous ceux qui n'ont pas cette grandeur ou tous ceux qui portent leur dard vers l'avant. Aucun coléoptère n'a de dard. Ceux qui ont deux ailes [20] ont le dard vers l'avant, par exemple la mouche, le taon, l'œstre, le cousin.
Les non-sanguins sont tous de taille inférieure à celle des animaux sanguins, sauf quelques non-sanguins marins, comme certains mollusques. Les espèces les plus grandes de ces animaux vivent dans les régions les plus chaudes et dans [25] la mer plutôt que sur terre ou en eau douce.
Tous les animaux qui se meuvent le font par quatre points ou plus. Les sanguins n'en ont que quatre, par exemple l'être humain avec deux mains et deux pieds, l'oiseau avec deux ailes et deux pattes, et les quadrupèdes et les poissons ont les premiers quatre pattes, les seconds [30] quatre nageoires. Tous ceux qui ont deux nageoires ou pas de nageoire du tout, comme le serpent, n'en ont pas moins quatre points, car leurs flexions se font en quatre points, ou en deux avec en plus deux nageoires. Tous les non-sanguins à pattes multiples, qu'ils soient volants ou terrestres, se meuvent en plus de points, par exemple l'animal appelé éphémère qui se meut avec quatre [490b] pattes et quatre ailes ; ce qui appartient en propre à cet animal, c'est non seulement ce qui touche à la durée de sa vie, d'où il tire sa dénomination, mais aussi qu'il est à la fois ailé et quadrupède.
Tous les animaux se meuvent de la même manière, les quadrupèdes comme les multipèdes. Ils se meuvent en effet en diagonale. Les [5] animaux autres que le crabe ont deux pieds conducteurs, lui seul en a quatre.
Chapitre 6
Les différentes familles animales
Les très grandes familles en lesquelles se divisent les différents animaux sont les suivantes : une pour les oiseaux, une pour les poissons, une pour les cétacés. Tous ces animaux sont sanguins. Une autre famille [10] est celle des animaux à coquille que l'on appelle celle des coquillages, une autre celle des crustacés qui n'a pas un nom unique, par exemple les langoustes et certaines familles de crabes et de homards. Une autre famille est celle des mollusques, par exemple les petits calmars aussi bien que les grands et les seiches. Une autre famille est celle des insectes. Tous ces animaux sont non sanguins, et tous ceux qui ont des pattes [15] en ont beaucoup. Parmi les insectes, certains sont aussi ailés.
Parmi le reste des animaux il n'y a plus de très grandes familles, car une forme unique n'enveloppe pas plusieurs formes, mais parfois la forme est simple et n'a elle-même aucune différence, par exemple l'être humain, parfois les formes ont des différences, mais les espèces produites par la division n'ont pas de nom. Les quadrupèdes [20] qui ne volent pas, en effet, sont tous sanguins, mais les uns sont vivipares, les autres ovipares. Tous ceux qui sont vivipares ont des poils, tous ceux qui sont ovipares des plaques. La plaque a la même localisation que l'écaille. Apode par nature, la famille des serpents est sanguine et terrestre, et elle a des plaques. Alors que les autres [25] serpents sont ovipares, seule la vipère est vivipare. Tous les vivipares, en effet, n'ont pas de poils, car certains poissons eux aussi sont vivipares ; par contre, ceux qui ont des poils sont absolument tous vivipares. Car il faut poser aussi comme une forme de poils les barbes piquantes que portent les hérissons et les porcs-épics. Elles remplissent, en effet, la fonction [30] de poils et non de pattes, comme c'est le cas pour les oursins.
La famille des animaux quadrupèdes et vivipares a beaucoup de formes qui n'ont pas de nom <commun>, mais sont désignées en quelque sorte d'après un individu, comme on parle de l'être humain, du lion, du cerf, du cheval, du chien et de la même manière des autres animaux, il y a pourtant une famille unique [491a] pour les animaux qu'on appelle « à queue de crin », par exemple le cheval, l'âne, le mulet, le petit mulet dégénéré et ceux qu'en Syrie on appelle les hémiones, qui sont ainsi appelés par similitude1, bien qu'ils ne soient pas absolument de même forme, car à la fois ils s'accouplent et engendrent ensemble. C'est aussi pourquoi [5] il est nécessaire de considérer la nature de chacun en les prenant à part.
La méthode
Tout cela, présenté de cette façon, est pour l'instant de manière schématique un avant-goût de tous les sujets et de toutes les propriétés qu'il faut considérer. Nous en parlerons plus tard exactement afin d'abord de saisir [10] les attributs distinctifs et les caractères communs à tous les animaux. Après cela, il faudra s'efforcer d'en trouver les causes. C'est là, en effet, adopter la méthode conforme à la nature, une fois qu'on est en possession du résultat de la recherche sur chacun. À partir de cela, en effet, devient manifeste à la fois ce sur quoi et ce à partir de quoi la démonstration doit se faire.
Il faut avant tout saisir les [15] parties dont les animaux sont constitués. C'est, en effet, principalement et premièrement selon ces parties que les touts eux aussi diffèrent, soit du fait qu'ils les possèdent ou non, soit par leur position, soit par leur arrangement, soit selon les différences dont nous avons parlé plus haut, selon la forme, l'excès, l'analogie et la contrariété des propriétés. Mais il faut d'abord [20] saisir les parties de l'être humain, car, de même que chacun évalue une monnaie par rapport à celle qui lui est la mieux connue, de même en est-il aussi dans les autres domaines. Or l'être humain est nécessairement celui des animaux qui nous est le mieux connu.
Les parties ne sont assurément pas hors d'atteinte de la perception sensible ; cependant, pour ne rien omettre dans l'ordre d'exposition et pour [25] maintenir le raisonnement uni à l'observation sensible, il faut traiter des parties en commençant par celles qui sont des organes, pour passer ensuite aux parties homéomères.
Chapitre 7
Les parties du corps. La tête
Les principales parties en lesquelles se divise le corps pris comme ensemble sont donc les suivantes : la tête, le cou, le thorax, deux bras, deux jambes (la cavité qui va du cou jusqu'aux organes sexuels [30] est appelée « thorax »).
Des parties de la tête, celle qui est chevelue s'appelle le crâne. Ses parties sont le visage, le bregma à l'avant qui se solidifie après la naissance (car c'est le dernier os du corps à se solidifier), l'occiput à l'arrière et entre l'occiput et le bregma le sommet du crâne. Sous le bregma se trouve le cerveau, alors que [491b] l'occiput est vide. Le crâne tout entier est un os mince, arrondi et entouré d'une peau sans chair. Il a des sutures, une seule en cercle chez les femmes, la plupart du temps trois convergeant en un seul point chez les hommes. Mais on a déjà vu une tête d'homme [5] sans aucune suture. On appelle sommet du crâne la raie médiane des cheveux. Chez certains elle est double, car certains ont un double sommet, non que ce soit le fait de l'os, mais celui de la raie médiane des cheveux.
Chapitre 8
Le visage
La partie qui est sous le crâne s'appelle, chez l'être humain seul [10] parmi les différents animaux, le visage. Car on ne parle pas du visage d'un poisson ou d'un bœuf. La partie du visage qui est sous le bregma entre les yeux est le front. Ceux chez qui il est grand sont plus lents, ceux chez qui il est petit sont plus vifs, ceux chez qui il est large sont égarés, ceux chez qui il est arrondi sont emportés1.
Chapitre 9
Les yeux et les parties qui s'y rapportent
Sous le visage il y a les sourcils [15] naturellement doubles. Des sourcils droits sont le signe d'un caractère mou, chez ceux qui les ont courbés vers le nez c'est un signe de rudesse, vers les tempes c'est le signe d'un caractère moqueur et ironique, abaissés ils sont signes d'un caractère envieux.
Au-dessous sont les yeux. Par nature ils sont deux. Les parties de chacun d'entre eux sont la paupière du haut et celle du bas. Elles ont [20] à leur extrémité des poils, les cils. L'intérieur de l'œil se compose de la partie humide, par laquelle on voit, la pupille, la partie autour d'elle, le noir, la partie qui est après celle-ci, le blanc. La partie commune des paupières du haut et du bas est formée de deux coins, l'un dirigé vers le nez, l'autre vers les tempes. Si ces coins sont grands, c'est un signe de mauvais caractère, [25] si celui qui est du côté de la narine est charnu comme des pétoncles, c'est un signe de scélératesse.
Toutes les autres familles animales, à part les animaux à coquille et toute autre famille d'animaux imparfaits qu'il peut y avoir, ont des yeux. Les vivipares en ont tous sauf la taupe. On pourrait admettre que d'une certaine manière elle en a, mais absolument parlant elle n'en a pas. D'une manière générale, en effet, [30] elle n'y voit pas et elle n'a pas d'yeux manifestement apparents, mais quand on a retiré la peau, il y a la place des yeux, la partie noire des yeux et le lieu qui est naturellement celui des yeux à l'extérieur, parce que ces parties se sont arrêtées durant le développement de l'animal et que la peau a crû autour.
Chapitre 10
Les yeux
Le blanc [492a] de l'œil est le même chez à peu près tous les animaux, alors que ce qu'on appelle le noir diffère. Chez certains, en effet, il est noir, chez d'autres tout à fait bleu, chez d'autres gris, chez d'autres couleur des yeux de chèvre. Cette couleur est le signe d'un excellent caractère et la meilleure pour l'acuité visuelle.
[5] L'être humain est le seul des animaux qui ait les yeux de plusieurs couleurs, ou c'est lui qui est ainsi au plus haut point. Les autres ont une seule sorte de couleur ; pourtant, certains chevaux ont les yeux bleus.
Les yeux sont grands, petits ou de grandeur moyenne. Ceux de grandeur moyenne sont les meilleurs. Et ils sont exorbités, enfoncés ou dans une situation moyenne. Ce sont ceux qui sont le plus enfoncés qui sont les plus perçants, chez tout [10] animal ; leur situation moyenne est le signe d'un excellent caractère. Et ils sont clignotants, fixes ou en situation moyenne, la position intermédiaire est signe d'un excellent caractère, quant aux autres, les premiers sont signe d'impudence, les seconds de manque de fermeté.
Chapitre 11
L'oreille
De plus, l'oreille est une partie de la tête par laquelle on entend, mais elle ne sert pas à respirer. Car Alcméon a tort quand il dit que les [15] chèvres respirent par les oreilles. Une partie de l'oreille n'a pas de nom, mais l'autre est le lobe. L'oreille entière est composée de cartilage et de chair. L'intérieur d'une oreille est par nature semblable aux bigorneaux, l'os qui est à l'extrémité ressemble à l'oreille, dans lequel, comme au fond d'un vase parvient le son. L'oreille n'a pas de passage vers le cerveau, mais [20] vers le palais de la bouche, et un vaisseau se dirige du cerveau vers l'oreille. Les yeux aussi aboutissent au cerveau et chacun d'eux se trouve sur un petit vaisseau. Parmi ceux qui possèdent cette partie, seul l'être humain a les oreilles immobiles. Car parmi les animaux qui ont le sens de l'ouïe les uns ont des oreilles, les autres n'en ont pas, mais leur [25] conduit est apparent, par exemple les animaux volants ou couverts de plaques. Parmi les vivipares, à part le phoque, le dauphin et tous les autres animaux de la classe des cétacés, tous ont des oreilles (en effet, les sélaciens eux aussi sont vivipares). Mais seul l'être humain ne les remue pas. Le phoque a donc des conduits apparents par lesquels il entend. Le dauphin entend, mais n'a pas d'oreilles. [30] Tous les autres animaux remuent les oreilles.
Les oreilles <des êtres humains> sont situées sur la même circonférence que les yeux, et non au-dessus comme chez certains quadrupèdes. Parmi les oreilles, certaines sont nues, d'autres poilues, d'autres entre les deux ; ce sont celles qui sont entre les deux qui sont les meilleures pour l'audition, mais cela ne signifie rien sur le caractère. Et elles sont grandes, petites, moyennes, très proéminentes, [492b] pas du tout ou moyennement. Celles qui sont dans la moyenne sont signe d'un excellent caractère, celles qui sont grandes et proéminentes sont signe de stupidité et de verbosité. La partie entre l'œil et l'oreille et le sommet de la tête s'appelle la tempe.
Le nez
[5] De plus, le nez est la partie du visage qui est le conduit pour le passage du souffle ; c'est par lui, en effet, que l'on inspire et expire, l'éternuement, qui est l'expulsion de souffle comprimé, se fait aussi à travers lui, seul souffle qui ait valeur de présage et de chose sacrée. En même temps l'inspiration et l'expiration se portent dans la poitrine et il est impossible [10] d'inspirer et d'expirer seulement avec les narines, du fait que l'inspiration et l'expiration se font en partant de la poitrine en suivant le gosier et non pas d'une partie quelconque de la tête. Il est d'ailleurs possible de vivre sans se servir des narines.
L'olfaction s'exerce à travers cette partie : c'est la perception de l'odeur. La narine se meut facilement, [15] contrairement à l'oreille qui n'a pas de mouvement propre. L'une des parties du nez est la séparation cartilagineuse, l'autre un passage vide ; car les narines se divisent en deux. Chez les éléphants, la narine est grande et forte et ils s'en servent comme d'une main : grâce à elle, ils attirent, saisissent et s'introduisent la nourriture, aussi bien liquide que sèche, [20] dans la bouche ; c'est le seul animal chez qui il en soit ainsi.
Les mâchoires et les autres parties de la bouche
De plus, il y a deux mâchoires. Celle qui est en avant est le menton, celle qui est en arrière la mâchoire supérieure. Tous les animaux meuvent leur mâchoire inférieure, sauf le crocodile de rivière : celui-ci ne meut que la mâchoire supérieure.
Après [25] le nez, il y a deux lèvres, charnues et facilement mobiles. La bouche est à l'intérieur des mâchoires et des lèvres. Ses parties sont le palais et le larynx.
La partie qui perçoit les saveurs est la langue ; la sensation a lieu <surtout> à son extrémité. Si l'objet est disposé sur la partie large de la langue, la sensation est moins forte. Mais elle perçoit aussi, comme elle le fait de la saveur, tout ce que perçoivent les autres parties charnues, par exemple le dur, le chaud, [30] le froid en n'importe laquelle de ses parties. La langue est large, étroite ou moyenne. Celle qui est moyenne est la meilleure et la plus discriminante. Elle est aussi déliée ou entravée, comme chez ceux qui prononcent mal ou blèsent. La langue est faite de chair peu dense et spongieuse. L'épiglotte en est une partie.
La partie de la bouche qui est double est [493a] l'amygdale, celle qui a plusieurs divisions la gencive, et ces parties sont charnues. Dans les gencives sont les dents qui sont osseuses. À l'intérieur de la bouche il y a une autre partie qui porte une grappe de raisin, une colonne entourée de vaisseaux ; si elle s'enflamme en s'amollissant on l'appelle « luette » et il y a suffocation.
Chapitre 12
Le cou et le thorax
[5] Le cou est entre le visage et le thorax. Sa partie antérieure est le larynx, sa partie postérieure le gosier. Sa partie cartilagineuse et antérieure, par où passent la voix et le souffle, est la trachée-artère ; celle qui est charnue est le gosier, qui est à l'intérieur contre la colonne vertébrale. La partie postérieure du cou est la nuque. Telles [10] sont donc les parties jusqu'au thorax.
Les parties du thorax sont celles qui sont en avant et celles qui sont en arrière. D'abord, à la suite du cou sur l'avant, il y a la poitrine qui est double pour les mamelles. Toutes les deux ont un mamelon à travers lequel, chez les femelles, le lait filtre. La mamelle est peu dense. Chez les mâles aussi, il se produit du [15] lait, mais chez les mâles les mamelles sont denses, alors que les femmes les ont spongieuses et pleines de pores.
Chapitre 13
Le ventre
Après la cage thoracique, sur le devant, il y a le ventre, et sa racine l'ombilic. Sous la racine, il y a une partie double, les flancs, une partie simple sous l'ombilic, le bas-ventre (dont [20] l'extrémité est le pubis), la partie au-dessus de l'ombilic est l'hypocondre, la partie commune à l'hypocondre et au flanc étant la cavité abdominale.
Parmi les parties du dessous il y a une ceinture, les hanches (d'où leur nom, car elles semblent de même sorte1), la partie qui sert à l'évacuation comprend les fesses qui sont comme un siège et la cavité dans laquelle tourne la cuisse.
Une [25] partie propre à la femelle est l'utérus, alors que le pénis est propre au mâle, qui sort à l'extérieur à l'extrémité du thorax ; son bout est charnu, toujours lisse et pour ainsi dire égal, il est appelé gland ; la peau qui l'entoure n'a pas de nom et si on la coupe elle ne se reconstitue pas, de la même manière que celle de la mâchoire ou de la paupière. L'ensemble de cette peau et du gland est le prépuce. [30] La partie restante du pénis est cartilagineuse, facilement extensible et il sort et rentre selon des positions opposées. Au-dessous du pénis, il y a deux testicules ; la peau qui est autour est appelée le scrotum. Les testicules ne sont ni identiques à de la chair ni éloignés de la chair. La [493b] façon d'être de toutes ces parties, on en parlera plus tard complètement avec précision.
Chapitre 14
Le sexe de la femme
Le sexe de la femme est au contraire de celui des mâles. En effet, la partie sous le pubis est creuse et non pas saillante comme celle du mâle. Et il y a un urètre hors de [5] l'utérus, qui est un passage pour le sperme du mâle et dans les deux sexes il y a un passage pour l'évacuation du résidu liquide.
Autres parties
La partie commune au cou et à la poitrine est la gorge ; celle qui l'est au côté, au bras et à l'épaule est l'aisselle ; celle qui l'est à la cuisse et au bas-ventre est l'aîne ; la partie interne commune à la cuisse et à la fesse est le périnée, la partie externe qui est commune à la cuisse et [10] à la fesse est le dessous de la fesse.
On a parlé des parties antérieures du thorax. La partie derrière la poitrine est le dos.
Chapitre 15
Le thorax et les membres
Les parties du dos sont deux omoplates et la colonne vertébrale, et au-dessous, à la hauteur du ventre, les hanches. La partie commune au haut et au bas du thorax, ce sont les côtes, qui sont huit de chaque côté. [15] Pour les Ligures, en effet, qu'on appelle « à sept côtes », nous n'avons encore recueilli aucune donnée digne de foi.
L'être humain a un haut et un bas, un avant et un arrière, une droite et une gauche. Les côtés droit et gauche sont à peu près semblables dans leurs parties et identiques en tout, [20] sauf que les parties gauches sont plus faibles. Les parties arrière ne sont pas semblables aux parties avant, ni les parties du bas à celles du haut, sauf en ceci que le bas du ventre est semblable au visage en ce qui concerne l'abondance ou l'absence de chair, et que les jambes correspondent aux bras : quand le haut des bras est court, les cuisses le sont aussi la plupart du temps, [25] et si les pieds sont petits, les mains le sont aussi.
Parmi les membres, il y a la paire de bras. Le bras se compose de l'épaule, du haut du bras, du coude, de l'avant-bras et de la main. La main se compose de la paume et de cinq doigts ; la partie flexible du doigt est l'articulation, la partie non flexible la phalange. Le gros doigt a une [30] seule articulation, les autres doigts en ont deux. Chez tous <les êtres humains> la flexion du bras et des doigts se fait vers l'intérieur ; le bras fléchit au coude. L'intérieur de la main est la paume, qui est charnue et divisée par des plis, chez ceux qui vivent longtemps il y en a un ou [494a] deux tout au long de la paume, chez ceux qui vivent peu il y en a deux qui ne vont pas tout au long de la paume. L'articulation de la main et du bras est le poignet. Le dos de la main est tendineux et n'a pas de nom.
Une autre paire de membres est constituée par les jambes. La jambe se compose de la [5] cuisse qui a une double tête, de la rotule qui est mobile, du bas de la jambe qui a deux os ; du bas de la jambe, la partie antérieure est le devant de la jambe, la partie postérieure la partie ventrue de la jambe, qui est formée de chair tendineuse et parcourue de vaisseaux et qui, chez certains, ceux qui ont les hanches fortes, est tirée vers le haut vers le jarret, et chez les autres est tirée au contraire vers le bas. L'extrémité du devant [10] de la jambe est la cheville, double pour chaque jambe. La partie de la jambe qui a plusieurs os est le pied. Sa partie postérieure est le talon, la partie antérieure du pied qui est divisée en cinq doigts, la partie charnue qui est au-dessous est la plante, la partie supérieure qui a des tendons sur le devant n'a pas de nom. Un doigt comprend [15] l'ongle et l'articulation ; chez tous, l'ongle est à l'extrémité et tous les orteils n'ont qu'une seule articulation. Tous ceux chez qui l'intérieur du pied est épais et non cambré, mais qui marchent sur la totalité du pied, sont rusés. L'articulation de la cuisse et du bas de la jambe est le genou.
Disposition générale du corps humain
Telles sont donc les parties communes à la femelle et au mâle. [20] Pour ce qui est de la disposition des parties du point de vue du haut et du bas, de l'avant et de l'arrière, de la droite et de la gauche, il semble bien qu'elle soit claire quand on la saisit de l'extérieur par la perception ; il faut néanmoins en parler pour la même raison qui nous a fait dire ce que nous avons dit auparavant, pour arriver au terme des étapes de notre recherche et pour que, une fois les parties énumérées, [25] nous voyions plus clairement celles qui ne sont pas faites de la même manière chez l'être humain et les autres animaux.
C'est principalement chez l'être humain, comparé aux autres animaux, que le haut et le bas se définissent par rapport aux lieux naturels. Son haut et son bas, en effet, sont disposés selon l'ordre du haut et du bas de l'univers. Et il en va de même [30] pour l'avant et l'arrière, la droite et la gauche qui sont disposés selon la nature. Parmi les autres animaux, les uns n'ont pas cette disposition, d'autres l'ont mais ils l'ont de manière plutôt confuse. Ainsi la tête, chez tous, est en haut par rapport à leur propre corps ; mais seul l'être humain, comme on l'a dit, quand il est achevé, [494b] a cette partie en rapport avec le haut de l'univers.
Les parties de la tête aux pieds
Après la tête, il y a le cou, puis la poitrine et le dos, la première devant, le second derrière. À la suite, il y a le ventre, la hanche, le sexe, les fesses, ensuite la cuisse, le bas de la jambe, et enfin les pieds. [5] C'est vers l'avant que se fait la flexion des jambes, ce qui est aussi le sens de la marche, et de même pour la partie la plus mobile des pieds et sa flexion. Le talon appartient à l'arrière, et chacune des chevilles est placée comme l'oreille. Les bras appartiennent aux côtés droit et gauche, ils ont leur flexion en dedans, de sorte que la [10] courbure des jambes et celle des bras sont opposées, surtout chez l'être humain.
Les sens chez les humains
L'être humain a les sens et leurs organes, les yeux, les narines et la langue, de la même façon situés en avant. Il a l'ouïe et son organe, les oreilles, sur le côté, mais sur le même [15] plan circulaire que les yeux. Parmi les animaux, c'est chez l'être humain que les yeux sont les moins écartés. Le toucher est chez l'être humain le plus aigu des sens, en second vient le goût. Pour les autres sens, l'être humain le cède à beaucoup d'animaux.
Chapitre 16
Les parties internes
Les parties visibles à l'extérieur [20] sont arrangées de cette manière et comme on l'a dit : ce sont elles surtout qui ont reçu un nom et sont connues par l'usage. Pour les parties internes, c'est le contraire. En fait, ce sont surtout les parties internes de l'être humain qui sont inconnues, de sorte qu'il nous faut les considérer en nous référant aux parties des autres animaux qui ont une nature voisine.
Le cerveau
D'abord, dans la tête [25] se trouve, occupant une position à l'avant, le cerveau. Il en va de même chez tous les animaux qui possèdent cette partie. En ont un tous ceux qui ont du sang, et aussi les mollusques. Mais, à taille égale, c'est l'être humain qui a le cerveau le plus gros et le plus humide. Deux membranes l'entourent, l'une autour de [30] l'os, la plus résistante, l'autre autour du cerveau lui-même, moins résistante que la première. Le cerveau est double chez tous les animaux, et derrière lui, à l'extrémité, se trouve ce qu'on appelle le cervelet, dont la forme est différente au toucher et à la vue.
L'arrière de la tête est vide et creux chez tous les animaux, dans la mesure de la taille de chacun. [495a] Certains ont une grosse tête, la partie du visage en dessous étant plus petite, ainsi tous les animaux au visage arrondi ; d'autres ont une petite tête, de grandes mâchoires, par exemple toute la famille des animaux à queue de crin.
Le cerveau [5] est dépourvu de sang chez tous les animaux, et il n'a en lui aucun vaisseau ; il est naturellement froid au toucher. Il possède en son centre chez la plupart des animaux une petite cavité. La méninge qui l'entoure a des vaisseaux (la méninge est la membrane semblable à une peau qui entoure le cerveau). Au-dessus du cerveau, il y a l'os [10] le plus léger et le plus faible de la tête, que l'on appelle « bregma ».
De l'œil, trois conduits partent vers le cerveau, le plus grand et le moyen vont vers le cervelet, le plus petit vers le cerveau lui-même ; le plus petit est celui qui est situé au plus près de la narine. Les plus grands sont parallèles [15] et ne se rencontrent pas, alors que les moyens se rencontrent (cela est particulièrement évident chez les poissons) ; en effet, ces conduits sont aussi plus proches du cerveau que les grands. Les plus petits, en revanche, sont très éloignés les uns des autres et ne se rencontrent pas.
L'œsophage, la trachée-artère et le poumon
À l'intérieur du cou, il y a ce que l'on appelle l'œsophage, qui tire son appellation [20] de sa longueur et de son étroitesse1, puis la trachée-artère. Chez tous les animaux qui en ont une, la trachée-artère se situe dans une position en avant de l'œsophage ; or en possèdent une tous ceux qui ont un poumon. Par nature, la trachée-artère est cartilagineuse et peu sanguine, enveloppée de nombreux vaisseaux fins. Elle se situe, [25] en haut, près de la bouche, en dessous du passage qui va des narines à la bouche, là aussi où, quand en buvant on aspire une partie du liquide, il ressort de la bouche par les narines. Entre les deux ouvertures se trouve ce qu'on appelle l'épiglotte, capable de se replier sur l'ouverture de la trachée-artère qui donne dans [30] la bouche. L'extrémité de la langue lui est attachée. À l'autre bout, la trachée-artère descend au milieu du poumon et ensuite, de là, se scinde en deux vers chacune des parties du poumon. Le poumon, en effet, tend à être double chez tous les animaux qui en ont un. Mais chez les vivipares cette division n'est pas pareillement manifeste, elle l'est très peu [495b] chez l'être humain. Le poumon de l'être humain n'a pas plusieurs divisions, comme c'est le cas chez certains vivipares, il n'est pas non plus lisse, mais présente des irrégularités.
Chez les ovipares comme les oiseaux et tous les quadrupèdes ovipares, chacune des parties du poumon est bien séparée de l'autre, de sorte qu'ils semblent [5] avoir deux poumons. Et à partir d'une trachée-artère unique il y a deux parties qui s'étendent à chacune des deux parties du poumon. Celui-ci est attaché à la fois au grand vaisseau et à ce qu'on appelle l'aorte. Quand la trachée-artère s'est remplie d'air, le souffle se distribue dans les parties creuses du poumon. Ce sont des interstices [10] cartilagineux pointus à leur extrémité et à partir de ces interstices il y a des ouvertures qui traversent tout le poumon et qui deviennent toujours plus petites.
Le cœur lui aussi est attaché à la trachée-artère par des liens graisseux, cartilagineux et fibreux ; l'endroit auquel il s'y rattache est creux. Quand la trachée-artère s'est remplie d'air, chez certains animaux [15] cela passe inaperçu, mais chez les animaux les plus grands il est évident que l'air entre dans le cœur. Ainsi en va-t-il donc de la trachée-artère, elle ne fait que recevoir et expulser l'air et ne reçoit rien d'autre de sec ou de liquide, ou l'on ressent une douleur jusqu'à ce que ce qui s'y est introduit soit expulsé.
Le gosier, l'estomac et l'intestin
Le gosier est attaché [20] vers le haut à la bouche, contigu à la trachée-artère il est en continuité avec la colonne vertébrale et la trachée-artère par des liens membraneux, il finit dans l'estomac à travers le diaphragme, il a une nature charnue et possède une élasticité à la fois dans le sens de la longueur et dans celui de la largeur.
L'estomac de l'être humain est semblable à celui du chien. En effet, [25] il n'est pas beaucoup plus grand que l'intestin, mais il ressemble à une sorte d'intestin qui aurait une certaine largeur. Ensuite vient l'intestin simple avec des replis, puis un intestin large. Le gros intestin est semblable à celui du porc, car il est large et la partie qui en part vers le fondement est épaisse et courte. L'épiploon s'attache au milieu de l'estomac, [30] il a la nature d'une membrane graisseuse, comme aussi chez les autres animaux à un seul estomac et à double rangée de dents.
Recouvrant les intestins se trouve le mésentère ; lui aussi est membraneux et large, et il devient graisseux. Il est attaché au grand vaisseau et à l'aorte, et à travers lui des vaisseaux nombreux et denses [496a] s'étendent vers la région de l'intestin, du haut jusqu'en bas.
Voici ce qu'il en est du gosier, de la trachée-artère et du ventre.
Chapitre 17
Le cœur et les vaisseaux
Le cœur a trois cavités, il est situé plus [5] haut que le poumon, au point de division de la trachée-artère, et il est pourvu d'une membrane graisseuse et épaisse là où il s'attache au grand vaisseau et à l'aorte. Sa pointe est située vers l'aorte. Sa pointe est située de la même manière vers la poitrine chez tous les animaux qui en ont une. Chez tous, aussi bien ceux qui ont une poitrine que ceux qui n'en [10] ont pas, le cœur a sa pointe tournée vers l'avant, mais cela peut souvent échapper à l'observation, car la position change quand on ouvre les animaux. La partie arrondie du cœur se trouve en haut. Sa pointe est le plus souvent charnue et dense et dans les cavités il y a des tendons. Chez les animaux autres que l'être humain, le cœur se situe au milieu de la [15] poitrine, chez tous ceux qui ont une poitrine, alors que chez les êtres humains il se situe plutôt vers la gauche, déviant un peu par rapport à la ligne de division entre les seins vers le sein gauche dans la partie supérieure de la poitrine.
Le cœur n'est pas grand et sa forme totale n'est pas allongée, mais plutôt arrondie, sauf pour son extrémité qui se termine en pointe. Il a [20] trois cavités, comme on l'a dit, la plus grande est celle de droite, la plus petite celle de gauche, celle de taille moyenne est au milieu. Toutes, même les deux petites, sont reliées au poumon par des orifices ; mais ce n'est évident que dans le cas d'une seule cavité. [25] Et, en bas, au point d'attache, le cœur est relié dans la plus grande cavité au grand vaisseau, près de laquelle est le mésentère et dans la cavité du milieu à l'aorte.
Des conduits se dirigent du cœur vers le poumon et se divisent en deux de la même manière que la trachée-artère, suivant à travers tout le poumon [30] ceux qui viennent de la trachée-artère. Ceux qui viennent du cœur sont au-dessus. Aucun conduit n'est commun, mais, du fait de leur contact entre eux, les canaux venant du cœur reçoivent le souffle et le transmettent au cœur ; car l'un des conduits va vers la cavité droite, l'autre vers la gauche. Du grand vaisseau et de l'aorte [35] en eux-mêmes, nous ferons plus tard une étude commune.
Les viscères de la cage thoracique
C'est [496b] le poumon qui a le plus de sang parmi les parties de animaux qui ont un poumon et qui sont vivipares en eux-mêmes ou extérieurement. Il est, en effet, complètement spongieux et en direction de chaque bronche des conduits amènent le sang depuis le grand vaisseau. Mais ceux qui pensent [5] que le poumon est vide se trompent complètement, parce qu'ils étudient les organes prélevés sur les animaux qu'on a ouverts, dont le sang s'est immédiatement retiré d'un coup.
Parmi les différents viscères, le cœur est le seul qui a du sang. Et si le poumon en a, ce n'est pas en lui-même mais dans les vaisseaux, alors que le cœur en a en lui-même ; il a, en effet, du sang dans chacune de ses cavités [10] et le sang le plus léger est dans la cavité du milieu.
Au-dessous du poumon, il y a le diaphragme du thorax, que l'on appelle phrenes, rattaché aux côtes, aux hypocondres et à la colonne vertébrale ; en son milieu il est mince et membraneux. Il a des vaisseaux qui le traversent. Les phrenes de l'être humain [15] sont épais par rapport à son corps.
Sous le diaphragme, à droite, est situé le foie et à gauche la rate, de la même manière chez tous les animaux qui possèdent ces parties naturellement et non de manière monstrueuse. Car on a déjà observé chez certains quadrupèdes une inversion de cet ordre. Ces organes sont rattachés [20] au ventre par l'épiploon. À la vue, la rate de l'être humain est étroite et longue comme celle du porc. Quant au foie, la plupart du temps, chez la plupart des animaux, il a une vésicule biliaire, mais chez certains il n'y en a pas. Le foie de l'être humain est arrondi et semblable à celui du bœuf. C'est aussi le cas [25] chez certaines victimes de sacrifice, par exemple en un certain endroit de Chalcis, en Eubée, les moutons n'ont pas de vésicule, alors qu'à Naxos presque tous les quadrupèdes en ont une si grosse que les étrangers qui offrent des sacrifices ont peur, pensant que ce signe leur est adressé en propre, et non qu'elle est l'effet de la nature de ces animaux. [30] Le foie est attaché au grand vaisseau, mais ne communique pas avec l'aorte ; en effet, le vaisseau qui part du grand vaisseau traverse le foie en un point que l'on appelle les portes du foie. La rate elle aussi n'est reliée qu'au grand vaisseau, car un vaisseau s'étend de lui à la rate.
Les reins et la vessie
Après ces organes viennent les reins qui sont situés près de la [35] colonne vertébrale et d'une nature semblable à celle des reins de bœuf. [497a] Celui de droite est plus haut chez tous les animaux qui ont des reins ; le droit a aussi moins de graisse et il est plus sec que le gauche. Il en va aussi de même chez tous les autres animaux. Aboutissent aux reins des canaux partant du grand [5] vaisseau et de l'aorte, mais pas dans la cavité. Car les reins ont une cavité en leur milieu, les uns plus grande, les autres plus petite, sauf ceux du phoque. Ceux-ci sont semblables à ceux des bœufs mais sont les plus solides de tous. Les canaux qui s'étendent vers les reins se perdent dans le corps des reins. Un signe qu'ils ne [10] vont pas jusqu'au bout, c'est que dans les reins il n'y a ni sang, ni coagulation. Ils renferment, comme on l'a dit, une petite cavité. De la cavité des reins deux canaux robustes partent vers la vessie et d'autres qui sont forts et continus partent de l'aorte. Au milieu de chacun des reins est attaché un vaisseau creux et tendineux [15] qui s'étend tout au long de la colonne vertébrale à travers des passages étroits. Ensuite, ce vaisseau disparaît dans chaque hanche, puis devient de nouveau visible en s'étendant sur la hanche. Ces sections de petits vaisseaux aboutissent dans la vessie.
La vessie, en effet, se situe tout au bout, elle fait corps avec les canaux qui s'étendent à partir des reins [20] contre le col de la vessie qui tend vers l'urètre, et sur presque toute sa circonférence elle est fixée par de petites membranes légères et fibreuses, qui sont en un sens semblables au diaphragme du thorax. La vessie de l'être humain est de taille modérée.
Les parties sexuelles
Au col de la vessie [25] est rattaché l'organe sexuel, l'orifice le plus à l'extérieur rencontre au même endroit un autre plus petit qui est dessous. Le dernier de ces orifices mène aux testicules, l'autre à la vessie ; <le pénis> est tendineux et cartilagineux. À cet organe sont attachés les testicules chez les mâles, dont nous caractériserons la manière dont ceux-ci les possèdent dans l'exposé général.
[30] C'est aussi de la même façon que tout se présente naturellement chez la femelle. Elle ne diffère en effet en rien sauf par l'utérus, qu'on peut connaître en regardant les schémas des anatomies, et dont la position est au-dessus de l'intestin. Au-dessus de l'utérus, il y a la vessie. Mais c'est dans ce qui suit qu'il faut traiter en général de tous les utérus [35], car il n'est ni identique ni disposé de la même façon chez toutes.
[497b] Telles sont les parties tant externes qu'internes de l'être humain, ce qu'elles sont et leur disposition.
LIVRE II
Chapitre 1
Différences entre les animaux et leurs parties
Parmi les parties des animaux autres que l'être humain, les unes sont communes à tous, comme on l'a dit auparavant, les autres appartiennent à certaines familles. Et elles sont identiques ou différentes entre elles de la manière qu'on a souvent déjà dite. Chez presque tous les animaux, en effet, qui sont de familles différentes, la [10] plupart des parties diffèrent selon la forme, plus précisément les unes n'ont de ressemblance que par analogie et diffèrent de genre, alors que les autres sont de même genre mais différentes selon la forme ; et beaucoup de parties appartiennent à certains animaux et pas à d'autres.
Ainsi, les quadrupèdes vivipares ont une tête, un cou et [15] absolument toutes les parties qui se trouvent dans la tête, mais chacune de ces parties diffère de configuration. Exemple le lion : il a au cou un os unique et n'a pas de vertèbres, mais, une fois qu'on l'a ouvert, toutes ses parties internes sont semblables à celles du chien. Les quadrupèdes vivipares ont des jambes à l'avant en guise de bras, tous les quadrupèdes, mais [20] ceux qui ont le pied à fentes multiples les ont le plus analogues à des mains ; dans de nombreux cas, en effet, ils s'en servent comme de mains. Et les parties de gauche sont moins différenciées que chez l'être humain, à l'exception de l'éléphant. Celui-ci a par ailleurs la région des doigts de pied moins distincte et les membres antérieurs beaucoup plus grands. Il a cinq [25] doigts et aux pattes de derrière il a des chevilles courtes. Mais il a un nez d'une nature et d'une taille telles qu'il lui sert de mains. En effet, il boit et mange en portant la nourriture à sa bouche avec cet organe et fait passer les choses à son cornac qui est sur le dessus de son corps. Avec cet organe, il déracine aussi les arbres et, quand il progresse dans l'eau, il lui sert à exhaler un souffle. [30] Il se courbe à son extrémité, mais n'est pas articulé, car il est cartilagineux.
Par ailleurs, l'être humain est le seul des animaux à être ambidextre.
Tous les animaux ont une partie analogue à la poitrine humaine, mais qui n'est pas semblable. Les êtres humains, en effet, ont une poitrine large, alors que les autres animaux l'ont étroite. D'autre part, aucun animal n'a de mamelles situées sur le devant, sinon l'être humain. L'éléphant a [498a] deux mamelles, mais elles ne sont pas sur la poitrine, mais vers la poitrine.
Mouvement des membres
Les flexions des membres tant antérieurs que postérieurs ont lieu en sens opposé entre elles et opposé aux flexions de [5] l'être humain, sauf chez l'éléphant. En effet, chez les quadrupèdes vivipares, les membres antérieurs fléchissent vers l'avant et les membres postérieurs vers l'arrière, les creux de la courbure étant tournés l'un vers l'autre. Chez l'éléphant, il n'en va pas comme certains l'ont dit : il s'assied et fléchit les pattes, [10] à ceci près qu'à cause de son poids il ne peut pas fléchir les jambes des deux côtés à la fois, mais il se couche soit sur le côté gauche, soit sur le côté droit et dort dans cette position ; il fléchit par ailleurs les pattes arrière de la même manière que l'être humain.
Chez les ovipares, comme le crocodile, le lézard et tous les autres animaux de cette sorte, les deux paires [15] de pattes, aussi bien les pattes avant que les pattes arrière, fléchissent vers l'avant en penchant un peu sur le côté. Il en va de même chez les différents animaux polypodes, à ceci près que les pattes intermédiaires entre celles qui sont aux extrémités ont un mouvement qui participe des deux flexions et que leur flexion a plutôt lieu sur le côté. Chez l'être humain, la flexion des deux paires [20] de membres a lieu vers le même point, c'est-à-dire en direction contraire, car il fléchit ses bras vers l'arrière, à part un petit mouvement de l'extérieur vers le côté intérieur, et les jambes vers l'avant. Aucun animal ne fléchit ses membres antérieurs et postérieurs vers l'arrière. Mais chez tous les animaux la flexion des épaules se fait en sens contraire [25] de celle des coudes pour les membres antérieurs et, pour les membres postérieurs, celles des hanches en sens contraire de celle des genoux, de sorte que, puisque l'être humain fléchit ses membres à l'inverse de la plupart des animaux, ceux qui ont de tels membres les fléchissent à l'inverse de l'être humain.
L'oiseau a des flexions à peu près semblables à celles des quadrupèdes. Car étant bipède il fléchit les pattes vers l'arrière [30] et à la place de bras, c'est-à-dire de membres antérieurs, il a des ailes dont la flexion se fait vers l'avant.
Quant au phoque, il est comme un quadrupède atrophié. En effet, il a tout de suite après les omoplates des pieds qui sont semblables à des mains comme ceux de l'ours, car ils ont cinq doigts et chaque doigt a [498b] trois articulations et un ongle qui n'est pas grand. Leurs pattes de derrière ont aussi cinq doigts qui ont des articulations et des ongles semblables à celles de devant, mais par leur forme elles sont à peu près semblables à la queue des poissons.
[5] Les mouvements des quadrupèdes et des polypodes ont lieu en diagonale et c'est ainsi qu'ils se tiennent debout et chez tous le mouvement commence par les pattes droites. Mais le lion et les deux variétés de chameau, celui de Bactriane et celui d'Arabie, vont l'amble. « Aller l'amble », c'est quand la patte gauche ne devance pas [10] la patte droite, mais la suit.
Toutes les parties que l'être humain possède sur l'avant, les quadrupèdes les ont en dessous sur les parties ventrales et celles qui chez lui sont à l'arrière ils les ont sur le dos. La plupart d'entre eux ont une queue, car même le phoque en a une petite semblable à celle du cerf. [15] On parlera plus tard des animaux simiesques.
Les poils
Pour ainsi dire tous les quadrupèdes vivipares sont velus et ils ne sont pas comme l'être humain qui a peu de poils sauf sur la tête, mais qui est celui des animaux qui a la tête la plus velue. De plus, chez les animaux autres que les êtres humains qui ont des poils, [20] les parties dorsales sont plus velues, alors que les parties ventrales sont soit complètement lisses, soit moins velues. Chez l'être humain, c'est l'inverse. D'autre part, l'être humain a des poils aux deux paupières, sous les aisselles et au pubis, alors qu'aucun animal n'a de poils dans aucune de ces deux dernières régions, ni à la paupière inférieure, mais au-dessous de la paupière [25] certains ont naturellement de rares poils.
Parmi les quadrupèdes eux-mêmes qui ont des poils, les uns ont tout le corps velu comme le porc, l'ours, le chien, d'autres sont plus velus sur le cou partout de la même manière, par exemple tous ceux qui ont une crinière comme le lion ; d'autres ont du poil du haut du cou de la tête au [30] garrot, par exemple les animaux qui ont un toupet de poils, comme le cheval et le mulet, et, parmi les animaux sauvages ayant des cornes, le bison. L'animal appelé antilope [cheval-cerf] a aussi une crinière sur le garrot, ainsi que la bête que l'on appelle pardion : chacun des deux a une crinière peu fournie de la tête au garrot ; l'antilope a en propre une barbe [499a] contre le larynx. Les deux ont des cornes et le sabot fendu en deux, mais la femelle de l'antilope n'a pas de cornes. Pour la taille, cet animal se rapproche du cerf. Les antilopes vivent en Arachosie1, où vivent aussi les [5] buffles. Les buffles diffèrent des bœufs dans la même mesure que les sangliers diffèrent des porcs, car ils sont noirs, d'aspect vigoureux, ils ont le museau recourbé et les cornes plus recourbées vers l'arrière. Les cornes des antilopes sont à peu près semblables à celles du chevreuil.
L'éléphant est le moins velu [10] des quadrupèdes.
L'épaisseur ou la rareté des poils de la queue sont en rapport avec celles du corps chez tous ceux dont la queue est longue, car certains ont une queue très petite.
Le chameau
Les chameaux ont un caractère propre par rapport aux autres quadrupèdes, ce qu'on appelle la bosse qu'ils ont sur le dos. Les chameaux de Bactriane diffèrent [15] de ceux d'Arabie, en ce que les premiers ont deux bosses et les seconds une seule, mais ils ont une autre bosse par-dessous semblable à celle qui est au-dessus, sur laquelle, quand ils se posent sur leurs genoux, le reste de leur corps s'appuie. Le chameau a quatre tétines comme le bœuf, une queue semblable à celle de l'âne et les organes génitaux à l'arrière. Et il a un seul genou [20] à chaque jambe et n'a pas plusieurs articulations, comme le disent certains, mais cette apparence vient de la base de son ventre. Et son astragale est semblable à celui du bœuf, mais frêle et petit comparé à la grandeur de l'animal. Le chameau a le pied fendu en deux et n'a qu'une rangée de dents. Son pied est fendu de la manière suivante : de l'arrière part une petite fente qui va jusqu'à la [25] deuxième articulation des doigts ; sur le devant des quatre pieds il y a une petite fente jusqu'à la première articulation des doigts à leur extrémité. Et il y a quelque chose au milieu des fentes comme chez les oies ; le dessous du pied est charnu comme chez les ours et c'est aussi pour cela que quand ils vont à la guerre on les chausse [30] de cuir, quand leurs pieds deviennent douloureux.
Les membres
Tous les quadrupèdes ont les membres osseux, tendineux et dépourvus de chair. D'une manière générale il en est de même pour tous les autres animaux [499b] qui ont des pattes, à part l'être humain. De plus ils n'ont pas de fesses : c'est chez les oiseaux que cette propriété est encore plus visible. Pour l'être humain, c'est le contraire : les parties pour ainsi dire les plus charnues de son corps sont les fesses, les cuisses et les jambes, car ce que [5] l'on appelle « mollet » dans la jambe est charnu.
Parmi les quadrupèdes sanguins vivipares, les uns ont le pied à fentes multiples, comme pour les mains et les pieds de l'être humain, car certains ont plusieurs doigts comme le lion, le chien, la panthère ; d'autres ont le pied divisé en deux et ont des sabots à la place des ongles, comme [10] le mouton, la chèvre, le cerf, l'hippopotame ; d'autres ont le pied sans fente, par exemple les solipèdes comme le cheval et le mulet. La famille des porcs participe des deux, car il y a en Illyrie, en Pæonie et ailleurs des porcs solipèdes. Ceux qui ont le pied divisé en deux ont deux fentes par- derrière, alors que chez les solipèdes cette partie est [15] d'une seule pièce.
Les cornes
En outre, certains animaux ont des cornes et d'autres n'en ont pas. La plupart des animaux qui ont des cornes ont naturellement le pied divisé en deux, par exemple le bœuf, le cerf, la chèvre ; et on n'a jamais vu d'animal solipède avec deux cornes. Mais il y a un petit nombre d'animaux unicornes et solipèdes, par exemple l'âne d'Inde [rhinocéros] ; l'oryx2, en revanche, est unicorne et a le pied divisé en deux.
L'astragale
[20] L'âne d'Inde est aussi le seul solipède qui a un astragale. Le porc, en effet, comme on l'a dit plus haut, participe des deux et c'est pourquoi il n'a pas d'astragale bien fait. Beaucoup des animaux au pied divisé en deux ont un astragale ; en revanche, on n'a vu aucun des animaux au pied à fentes multiples avoir un tel astragale, comme pour l'être humain qui n'en a pas non plus ; cependant, le lynx a un os semblable à [25] un demi-astragale et le lion en a un qui ressemble à la forme qu'on donne à un labyrinthe. Tous ceux qui ont un astragale l'ont aux pattes de derrière. Ils ont l'astragale placé droit dans l'articulation, le dessus vers l'extérieur et le dessous vers l'intérieur ; les côtés de Cos à l'intérieur se faisant face, les côtés qu'on appelle de Chios à l'extérieur et [30] les parties saillantes vers le haut3. Telle est donc la manière dont se présente la position de l'astragale chez tous les animaux qui en ont un.
Remarques sur les cornes
Certains animaux ont à la fois le pied divisé en deux, une crinière et deux cornes recourbées sur elles-mêmes [500a], par exemple le bison qui vit en Pæonie et en Médie. Tous les animaux à cornes sont quadrupèdes, sauf quand c'est par métaphore et façon de parler que l'on dit qu'ils ont des cornes, comme le font les Égyptiens à propos des serpents de la région de Thèbes [5] qui ont une excroissance dont la taille motive l'expression. Parmi ceux qui ont des cornes, seul le cerf les a entièrement solides, alors que les autres les ont vides jusqu'à un certain point, l'extrémité étant solide. En fait, la partie creuse est plutôt naturellement formée de peau, alors que la partie solide qui l'entoure vient des os, par exemple pour les [10] cornes des bœufs. Seul le cerf perd ses cornes chaque année à partir de sa seconde année, qui ensuite repoussent. Les autres animaux les ont de manière continue, à moins qu'ils ne soient mutilés par la force.
Les mamelles
De plus, les mamelles présentent des différences contraires entre les animaux autres que l'être humain et entre eux et l'être humain, de même [15] pour les organes servant à la copulation. Les uns ont les mamelles par-devant sur la poitrine ou vers la poitrine et ont deux mamelles et deux tétines, comme l'être humain et l'éléphant, comme on l'a dit auparavant. L'éléphant, lui aussi, en effet, a deux mamelles vers les aisselles, la femelle [20] a les mamelles extrêmement petites et qui ne sont pas en rapport avec la taille de son corps, de sorte que de profil on ne les voit presque pas ; et les mâles ont aussi des mamelles comme les femelles, extrêmement petites. L'ours, quant à lui, en a quatre. Certains ont deux mamelles près des cuisses et deux tétines, comme le mouton. D'autres ont [25] quatre tétines comme le bœuf. Certains n'ont les mamelles ni sur la poitrine ni sur les cuisses, mais sur le ventre, par exemple le chien et le porc, et ils en ont plusieurs mais qui ne sont pas toutes égales en taille. Ainsi, la panthère en a quatre sur le ventre, la lionne deux sur le ventre. Le chameau a aussi deux mamelles [30] et quatre tétines, comme le bœuf. Chez les solipèdes, les mâles n'ont pas de mamelles, sauf tous ceux qui ressemblent à leur mère, ce qui arrive chez les chevaux.
Les organes génitaux
Parmi les mâles, certains ont les organes génitaux externes, par exemple l'être humain, le cheval et beaucoup d'autres ; d'autres les ont internes, comme [500b] le dauphin ; parmi ceux qui les ont externes, les uns les ont vers l'avant, comme ceux qu'on a cités, et parmi ceux-ci les uns ont le pénis et les testicules détachés, comme l'être humain, les autres ont le pénis et les testicules vers le ventre, [5] plus ou moins détachés, car cette partie n'est pas également détachée chez le sanglier et chez le cheval. L'éléphant a un pénis semblable à celui du cheval, mais petit et d'une taille sans proportion avec celle de leur corps et des testicules qui ne sont pas visibles à l'extérieur, mais qui sont internes vers les reins ; c'est pourquoi dans la copulation le retrait est [10] rapide. L'éléphante a le sexe à l'endroit où les brebis ont leur pis. Quand elle est en chaleur, elle le soulève et le tourne vers l'extérieur pour faciliter la copulation au mâle ; la plupart du temps, le sexe de la femelle s'ouvre avec une largeur suffisante. Chez la plupart des animaux, donc, les organes génitaux se présentent [15] de cette manière.
Certains animaux urinent vers l'arrière, par exemple le lynx, le chameau, le lièvre. Les mâles diffèrent donc les uns des autres, comme on l'a dit, mais les femelles urinent toutes vers l'arrière, car même la femelle de l'éléphant a les organes sexuels sous les cuisses comme le autres.
Le pénis [20] présente plusieurs différences. Certains animaux ont le pénis cartilagineux et charnu, comme l'homme, et la partie charnue ne gonfle pas, mais la partie cartilagineuse s'allonge. Certains l'ont tendineux, par exemple le chameau et le cerf, d'autres osseux, comme le renard, le loup, la fouine, la belette. La belette, en effet, a elle aussi [25] un os comme pénis.
Différences de proportion selon l'âge
Outre cela, l'être humain adulte a le haut du corps plus petit que le bas, alors que chez tous les autres animaux sanguins, c'est le contraire. Nous appelons « le haut » la région qui va de la tête jusqu'à la partie qui sert à l'évacuation du résidu et « le bas » le reste du corps qui vient ensuite. [30] Pour les animaux qui ont des pieds, donc, les pattes arrière constituent leur partie basse par rapport à leur grandeur, pour ceux qui n'en ont pas, c'est la queue, l'appendice caudal et les parties du même genre.
Les animaux adultes sont donc ainsi, mais ils présentent des différences durant leur croissance. L'être humain, en effet, a, quand il est jeune, le haut du corps plus grand que le bas, mais au fur et à mesure qu'il grandit la situation s'inverse. [501a] C'est aussi pourquoi il est le seul à ne pas accomplir le même mouvement de locomotion quand il est jeune et quand il est adulte, mais dans le premier âge il rampe à quatre pattes. D'autres, en revanche, conservent la proportion entre leurs parties en grandissant, par exemple le chien. Certains ont d'abord le haut plus petit et le [5] bas plus grand, mais quand ils grandissent le haut devient plus grand, comme les animaux à queue à longs poils. Car aucun d'eux ne devient ensuite plus grand entre le sabot et la hanche.
Les dents
Il y a, concernant les dents, beaucoup de différences parmi les animaux autres que l'être humain, aussi bien entre eux que par rapport à celui-ci. En effet, [10] tous les quadrupèdes sanguins vivipares ont des dents, mais d'abord les uns en ont aux deux mâchoires, les autres non. Tous ceux qui ont des cornes n'ont pas de dents aux deux mâchoires, car ils n'ont pas de dents de devant à la mâchoire supérieure. Il y en a certains qui n'ont pas de dents aux deux mâchoires et qui n'ont pas de cornes, par exemple le chameau. Et [15] certains ont des dents saillantes comme les sangliers mâles, d'autres n'en ont pas. De plus, certains d'entre eux ont les dents disposées en scie, par exemple le lion, la panthère, le chien, d'autres des dents qui ne s'emboîtent pas, par exemple le cheval et le bœuf. Car les animaux qui ont les dents disposées en scie ont tous des dents aiguës qui alternent. Mais aucun animal n'a à la fois des dents saillantes et des cornes, [20] et aucun de ceux qui ont des dents aiguës n'ont des dents saillantes ou de cornes. La plupart des animaux ont les dents de devant aiguës et celles du fond larges. Le phoque, quant à lui, a toutes les dents disposées en scie parce qu'il a des points communs avec la famille des poissons ; car presque tous les poissons ont les dents disposées en scie.
Aucune famille animale ne possède une double rangée de dents sur une mâchoire. [25] Il en existe pourtant une, s'il faut en croire Ctésias. Celui-ci, en effet, dit qu'en Inde il y a une bête, appelée martichore, qui a trois rangées de dents à chacune des deux mâchoires ; sa taille est égale à celle du lion, son pelage et ses pieds sont semblables aux siens, mais sa face et ses oreilles ont forme humaine, ses yeux sont [30] bleus, sa couleur est rouge comme le cinabre, sa queue est semblable à celle du scorpion terrestre avec un dard et des pointes qu'il lance comme des traits, le son de sa voix est en même temps celui de la flûte et de la trompette, il ne court pas moins vite que le cerf [501b] et il est sauvage et anthropophage.
L'être humain perd ses dents et d'autres animaux les perdent aussi, par exemple le cheval, le mulet, l'âne. L'être humain perd ses dents de devant, mais aucun animal ne perd ses molaires. Le porc ne perd absolument aucune [5] de ses dents.
Chapitre 2
Les dents des chiens
À propos des chiens, les avis divergent, les uns pensant qu'ils ne perdent absolument aucune dent, les autres qu'ils ne perdent que les canines. On observe qu'ils les perdent comme l'être humain, mais le phénomène nous échappe du fait qu'elles ne tombent pas avant que des dents en nombre égal poussent sous elles à l'intérieur de la bouche. Et il est vraisemblable qu'il en va aussi de même pour les autres [10] animaux sauvages, puisqu'on prétend qu'ils ne perdent que leurs canines. On distingue les jeunes chiens des vieux à leurs dents, car les jeunes les ont blanches et aiguës, alors que les chiens plus vieux les ont noires et émoussées.
Chapitre 3
Les dents des chevaux
Il se passe chez les chevaux l'inverse de ce qui se passe chez les autres animaux. [15] Les autres animaux, en effet, ont les dents qui deviennent noires au fur et à mesure qu'ils vieillissent, alors que chez le cheval elles deviennent plus blanches.
Différences entre les dents
Ce qu'on appelle les canines est une frontière entre les dents aiguës et les dents larges et participe de la forme des deux, car elles sont larges en bas et aiguës en haut.
Les mâles ont plus [20] de dents que les femelles aussi bien chez les êtres humains que chez les moutons, les chèvres et les porcs. Pour les autres, on n'a pas encore étudié la chose. Mais tous ceux qui ont plus de dents vivent la plupart du temps plus longtemps, alors que ceux qui les ont moins nombreuses et espacées vivent la plupart du temps moins longtemps.
Chapitre 4
Les dents de sagesse
Les dents qui poussent les dernières chez les humains sont les molaires, [25] que l'on appelle dents mâchelières, elles apparaissent vers les vingt ans aussi bien chez les hommes que chez les femmes. On a même déjà vu chez des femmes âgées de quatre-vingts ans des molaires qui ont poussé aux extrémités des mâchoires, provoquant une douleur au moment de leur percée, et il en est de même chez des hommes. Mais cela arrive chez ceux chez qui les mâchelières n'ont pas poussé durant la jeunesse.
Chapitre 5
Les dents de l'éléphant
L'[30]éléphant a quatre dents de chaque côté avec lesquelles il triture la nourriture (il la broie comme une farine), et à part celles-ci deux autres qui sont grandes. Le mâle, donc, a ces dernières grandes et courbées vers le haut ; la femelle, en revanche, les a petites et orientées en [502a] sens contraire à celui des mâles ; en effet, leurs dents sont tournées vers le bas. L'éléphant a des dents dès sa naissance, mais les grandes sont tout d'abord invisibles.
Chapitre 6
L'éléphant a une langue très petite et rentrée à l'intérieur, de sorte que c'est toute une affaire de la voir.
Chapitre 7
Taille de la bouche
[5] Les animaux ont aussi la bouche qui diffère en grandeur. Les uns, en effet, ont la gueule largement fendue comme le chien, le lion et tous les animaux à dents disposées en scie, les autres ont une petite bouche comme l'être humain, d'autres l'ont intermédiaire comme la famille des porcs.
L'hippopotame
L'hippopotame d'Égypte [10] a une crinière comme le cheval, il a le sabot fendu en deux comme le bœuf et, à le voir, est camus. Il a aussi un astragale comme les animaux à pied fendu en deux, des défenses apparentes, la queue du porc, la voix du cheval. Sa taille est celle de l'âne. L'épaisseur de sa peau est telle qu'on en fait des lances. Ses organes [15] internes sont semblables à ceux du cheval et de l'âne.
Chapitre 8
Les singes
Certains animaux ont une nature qui participe de celle de l'être humain et de celle des quadrupèdes, par exemple les singes, les cèbes, les cynocéphales. Le cèbe est un singe à queue ; et les cynocéphales ont la même forme que les singes, [20] à ceci près qu'ils sont plus grands et plus forts, et que leur face ressemble plus à celle d'un chien, de plus ils sont plus sauvages de mœurs et ils ont les dents plus semblables à celles du chien et plus fortes. Les singes ont le dos velu parce qu'ils sont des quadrupèdes et les parties ventrales aussi parce qu'ils sont anthropomorphes (car il en va [25] chez les humains à l'inverse de ce qu'il en va chez les quadrupèdes, comme on l'a dit précédemment), à ceci près que leur poil est épais et les singes sont très velus des deux côtés. Leur face a beaucoup de ressemblances avec celle de l'être humain. En effet, leurs narines aussi bien que leurs oreilles sont presque les mêmes et leurs dents [30] sont comme celles de l'être humain, aussi bien celles de devant que les molaires. De plus, alors que les autres quadrupèdes n'ont pas de cils aux deux paupières, le singe en a, mais très fins, surtout à la paupière inférieure, et fort petits. Les autres quadrupèdes, en effet, n'ont pas ces cils-là.
De plus, le singe a sur la poitrine deux mamelons sur des mamelles [35] petites. Il a des bras comme l'être humain, à ceci près qu'ils sont [502b] velus. Il les plie, ainsi que les jambes, comme l'être humain, les membres se courbant des deux côtés de manière opposée. Outre cela, il a des mains, des doigts et des ongles semblables à ceux de l'être humain, à ceci près que toutes ces parties ont une forme plus bestiale. [5] Ses pieds lui sont propres, car ils sont comme de grandes mains et leurs doigts sont comme ceux des mains, le médian plus long, et le dessous du pied est semblable à une main, à ceci près qu'il a une longueur plus grande que celui de la main et s'étend jusqu'aux extrémités comme une paume ; il est plus dur à son extrémité, mauvaise et indistincte imitation [10] d'un talon. Le singe se sert de ses pieds de deux façons, comme mains et comme pieds, et il les fléchit comme des mains. Il a l'arrière-bras et la cuisse courts par rapport à l'avant-bras et la jambe. Il n'a pas le nombril saillant, mais quelque chose de dur dans la région du nombril. Il a les parties du haut [15] beaucoup plus grandes que celles du bas, comme les quadrupèdes, à peu près dans le rapport de cinq à trois. Et, du fait de cela et du fait qu'il a les pieds semblables à des mains et qu'ils sont comme un composé de main et de pied (de pied pour l'extrémité du talon, de main pour les autres parties, car même les doigts ont [20] ce qu'on appelle une paume), il passe la plupart de son temps à quatre pattes plutôt que droit. Il n'a ni fesses du fait qu'il est quadrupède, ni queue du fait qu'il est bipède, sauf une toute petite, un soupçon de queue. La femelle a des organes génitaux qui ressemblent à ceux de la femme, alors que le mâle les a qui ressemblent plutôt à ceux du chien qu'à ceux de l'homme.
Chapitre 9
Les cèbes, [25] comme on l'a dit plus haut, ont une queue. Mais tous les animaux de cette sorte ont les organes internes, à la dissection, semblables à ceux de l'être humain.
Les parties externes des vivipares se présentent donc de cette manière.