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Comprendre les enjeux sociaux et écologiques du cacao : un résumé du baromètre du cacao 2022

Problématiques

Environ 50 % du cacao mondial provient de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Les 50 autres pourcents viennent D’autre pays d’Afrique centrale, d’Amérique centrale, et d’Indonésie le long de la ceinture du cacao. Les cacaoculteurs vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le baromètre du cacao estime qu’ils se situent environ à 50 % en dessous du revenu vital1. Ces conditions poussent les cacaoculteurs à utiliser de la main d’œuvre bon marché y compris des enfants et à déboiser les forêts vierges. Les conséquences de la déforestation sont considérables à la fois au niveau local (diminution des pluies, dégradations des sols) qu’au niveau mondial (impact sur le climat). Cette catastrophe sociale et écologique est connue depuis plusieurs décennies mais est sans cesse mal adressée.

Dans les détails

Revenu vital et marché mondial

Pour que les cacaoculteurs puissent obtenir le revenu minimum vital, le facteur principal est l’augmentation du prix d’achat du cacao. Or la manière dont est conçu le marché du cacao leur donne aucun ou très peu de pouvoir de décision sur le prix. En effet, le cacao est produit par 5 millions de cacaoculteurs de petites tailles, mais il n’est vendu qu’à une dizaine d’entreprises négociantes et transformatrices qui revendent aux entreprises chocolatières là aussi très peu nombreuses (principalement : Mondelez international, Nestlé, Mars, Hersheys, Ferrero, Lindt & Sprüngli). Ceux qui fixent le prix sont donc les grandes entreprises et le cours du marché. Face à cette problématique, la Côte d’Ivoire a essayé d’imposer un prix minimum d’achat, mais elle n’a pas pu faire face à la puissance de ces entreprises pour maintenir le prix. Les quelques énormes groupes ont boycotté l’achat à la Côte d’Ivoire pour faire céder le gouvernement qui tout à coup n’avait plus d’acheteur pour les fèves ivoiriennes. Le déséquilibre décisionnaire reste donc massif au profit des entreprises. Que faire donc pour contrebalancer ces rapports de pouvoir extrêmement inégalitaires ? Lorsqu’il est demandé aux entreprises ce qu’elles font pour favoriser un revenu minimum vital, elles proposent des programmes pour accroître la productivité. Cette soit disant solution est erronnée car, premièrement, accroître la productivité nécessite plus d’intrant et d’ouvriers, qu’il faut payer. Deuxièmement, une hausse de la productivité mènerait à une chute des prix de la matière première.

Pour atteindre le revenu minimum vital, il est impératif de passer par une augmentation du prix au producteur. Une augmentation à 3 dollars le kg pourrait permettre de se rapprocher de cet objectif. Il ne consiste bien entendu pas la seule solution, car d’autres éléments sont à prendre en compte comme le fait de favoriser la diversification par l’agroforesterie, protéger le régime foncier, améliorer l’accès à l’éducation et la santé, améliorer les infrastructures pour réduire les coûts de transport, favoriser l’égalité entre femme et homme.

Déforestations

Il existe plusieurs sortes de cacaoyer. Certains aiment pousser à l’ombre d’autres arbres et d’autres sont des cacaoyers de pleine lumière. Par « simplicité », on a planté des hectares entiers de cacaoyer de pleine lumière. Planter des monocultures de cacaoyer rend les arbres sensibles aux maladies et dégrade les sols. Un sol dégradé mène à la désertification. La demande en cacao augmente sans cesse, les terres utilisées se dégradent, la pauvreté fait rage. Ces éléments poussent des gens à déboiser les forêts vierges pour y planter des cacaoyers. Depuis 30ans, la forêt vierge de Côte d’Ivoire à perdu 90 % de sa superficie et celle du Ghana 65 % (Baromètre du caco, 2022, p.34). Selon le gouvernement de la Côte d’Ivoire, 10 à 15 % des récoltes proviennent de zones plantées illégalement. Les ONG pensent que ce chiffre pourrait dépasser les 30 %. Pour remédier à ce problème, il faudrait reboiser la forêt vierge et favoriser l’agroforesterie pour les cultures de cacao (planter des cacaoyers avec d’autres essences d’arbre). Or recréer un écosystème résilient nécessite des connaissances pointues et des moyens financiers importants. Il ne suffit pas de payer un certain nombre d’arbres et de les envoyer comme nous le font miroiter un nombre considérable de sociétés. Le terme « durable » est trop souvent mal utilisé.

Travail d’enfant

Le baromètre du cacao (2022 p. 57) rapporte que « près de 1,5 million d’enfants travaillent dans la production de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana. 95 % d’entre eux sont exposés aux pires formes de travail des enfants ». Le terme « travail des enfants » ne désigne pas des enfants qui aident leurs parents à la ferme après l’école ou le week-end. Ce terme a été défini précisément et concerne le travail interférant avec la scolarité. Lorsque l’on parle des « pires formes de travail », cela signifie qu’ils utilisent des outils dangereux, sont exposés aux produits phytosanitaires, qu’ils portent des charges lourdes ou travaillent de longues heures. Ces travaux présentent des risques important pour leur santé. Lorsque des parents ne peuvent subvenir aux besoins de leurs familles et ne peuvent envoyer leurs enfants à l’école, le problème est systémique. Il nécessite une approche globale incluant un prix d’achat du cacao correct pour le producteur ainsi que des mesures annexes telles qu’un système de suivi et de remédiation du travail des enfants. Selon le baromètre du cacao (2022, p.60) « Un système de suivi et de remédiation du travail des enfants (SSRTE) est un dispositif intégré à une chaîne d’approvisionnement ou à une structure communautaire, qui permet d’identifier, de remédier et d’empêcher le travail des enfants. ». Ce système a un coût qui est de l’ordre de 5 à 6 % du prix de vente final d’une tablette de chocolat. Un SSRTE efficace agis sur 4 axes (baromètre du cacao, 2022, p. 61) : la sensibilisation, l’identification des cas, le soutien et le suivi. Pour être crédible, les mesures doivent êtres concrètes, chiffrées et publiées publiquement.

Résoudre le problème ?

Autorégulation

Suite à un début de médiatisation de la problématique dans les années 2000, les entreprises du chocolat ont signés les accords Arking Angle pour tenter de diminuer le travail d’enfants. Ces accords non contraignants n’ont pas été respectés. Plus de 20ans après des millions d’enfants travaillent encore dans les plantations de cacao. Le constat est frappant : l’autorégulation des entreprises chocolatières ne suffit pas. Les gouvernements se doivent de faire respecter les droits humains par des lois contraignantes.

Certification

Selon le baromètre du cacao (2022, p.84), la certification peut permettre un prix plus élevé au producteur, un accès à un programme et plus de transparence. Or si cela amène une petite amélioration, cela ne règle pas les problèmes de fond. La certification demande un code de conduite sur les normes agricoles et très peu sur le négociant. Elle a très peu contribué à réduire le rapport de force entre les multinationales et les cultivateurs. La certification n’apporte pas beaucoup de garantie sur la durabilité du cacao, que ce soit : Fairtrade, Rainforest, ISO/ARSO, biologique ou toute autre norme. De plus, la certification a ses limites : le manque de traçabilité1 du cacao permet les mélanges de fèves certifiées avec des fèves de provenances inconnues. Celles-ci étant trop souvent produites par des enfants et/ou dans des zones supposées protégée de la forêt. Actuellement, près de la moitié du cacao acheté par les grands négociants et broyeurs n’est toujours pas traçable (baromètre du cacao, 2022. p.101). Cela ne prend pas en compte le beurre de cacao qui est encore moins traçable.

Légifération

L’autorégulation des entreprises ne fonctionne pas et est bien souvent une façade pour donner l’impression que la problématique socio-environnementale est traitée. Les certifications sont insuffisantes et souvent illusoires. Qu’en est-il des légiférations étatiques ? Le devoir de vigilance est un concept défini par nations unies. Il est la responsabilité des entreprises en matière de respect des droits humains. Les entreprises ont un devoir d’identifier, de prévenir, d’atténuer et remédier à leurs impacts négatifs sur les droits humains (baromètre du cacao, 2022. p.90). En 2020, La majorité du peuple suisse était navré de voir que l’initiative pour les multinationales responsables ne passait pas au profit du contre-projet peu ambitieux du conseil fédéral. L’un des arguments des celleux qui s’opposaient à l’initiative est que ces lois contraignantes seraient uniques au monde et prétériteraient la place financière en Suisse. Or, en 2021, la commission européenne propose une loi contraignante sur le devoir de vigilance des entreprises. Il est attendu que cette loi soit adoptée en 2023. Cette loi devra être transposée à chacun des 27 pays membres. Malgré le caractère novateur et de cette loi européenne, plusieurs lacunes sont à noter : Elle n’exige pas des entreprises une garantie de revenu vital aux cultivateurs.

Conclusion

Les problématiques liées au cacao sont multiples : atteinte à l’environnement et aux droits de l’Homme et des enfants. Les mécanismes qui créent ces violations sont complexes. Les causes ne sont pas liées à un seul acteur mais à toute une chaîne. Le pouvoir de changement se trouve principalement du côté des grandes entreprises et des états. Il semblerait que ceux-ci tardent à réagir face aux injustices. Peut-être y a-t-il trop d’intérêts en jeu pour initier les changements nécessaires. Il est temps que la population fasse pression sur les entreprises et sur l’État pour qu’ils prennent leurs responsabilités.

La production de chocolat : un modèle colonial qui perdure

août 2023

Au 19ème siècle, en pleine colonisation africaine, les fabriques de chocolat se développent en Europe et en Suisse. Nestlé et Cailler voient le jour à Vevey et utilisent des matières premières issues de l'exploitation des personnes en Afrique. Aujourd’hui, que reste-t-il du commerce triangulaire ayant permis la production de chocolat pendant la colonisation et l’esclavage ?

Lorsque le cacaoyer cultivé par les Mésoaméricains réduits en l’esclavage n’a plus suffi à satisfaire la demande (celle-ci ayant explosé grâce à l’industrialisation des procédés), le cacaoyer a été exporté en Afrique, où il a été cultivé de manière intensive par les peuples africains, asservis par les royaumes belges et français (source 3).

La production mondiale de cacao pour la saison 2021-2022 était de 4,9 millions de tonnes de cacao (source 2). Ce chiffre n’a fait qu'augmenter depuis 40 ans. Le cacao est produit par 5 millions de cacaoculteur-ices de petite taille en Afrique et en Amérique centrale, vendu à une quinzaine de multinationales et consommé majoritairement en Europe et en Amérique du Nord. En Suisse se trouvent trois des plus grandes entreprises actrices dans le domaine du chocolat : Nestlé, Lindt & Sprüngli et Barry Callebaut (source 1).

Aujourd’hui, le modèle des monocultures créé pendant le colonialisme perdure, afin de produire du cacao à bas prix pour les multinationales suisses, européennes et américaines. Ce modèle détruit les écosystèmes locaux. Depuis 1990, la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, a perdu 90% de ses forêts (source 4). Les forêts vierges dans les zones “protégées” ne sont pas épargnées. Et la demande en chocolat continue d'augmenter.

L’utilisation de pesticides nocifs se répand pour lutter contre les maladies et ravageurs s’attaquant aux monocultures. Les conséquences de la déforestation sont considérables à la fois au niveau local (diminution des pluies, dégradations des sols, chute de la biodiversité) qu’au niveau mondial (impact sur le climat).

Les cacaoculteur-ices de la Côte d’Ivoire et du Ghana vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le baromètre du cacao estime qu’ils-elles se situent environ à 50 % en dessous du revenu vital (source 1). Dans le marché mondial tel qu’il est conçu, les cacaoculteur-ices n’ont pas de pouvoir décisionnaire sur le prix. Or une rémunération supérieure du cacao (environ 3 dollars/kg) leur permettrait d’atteindre ce revenu minimum vital (source 1).

Ces conditions poussent les cacaoculteur-ices à utiliser de la main-d’œuvre bon marché, y compris des enfants, qui ne peuvent aller à l’école. Près de 1,5 million d’enfants travaillent dans la production de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana (source 1).

Les fèves ainsi produites sont vendues aux entreprises négociantes et chocolatières, qui n'assurent pas une traçabilité complète de la chaîne d’approvisionnement.

Cette catastrophe sociale et écologique est connue depuis plusieurs années mais est sans cesse mal adressée. L’autorégulation des entreprises, avec la signature du protocole de Harkin-Engel en 2001, ne fonctionne pas (source 5). Les labels sont inefficaces et ne garantissent pas la traçabilité. Reste alors les régulations étatiques, sur lesquelles mettre de l’espoir. En juin 2023, le Parlement européen a adopté le projet sur la responsabilité des multinationales. Les entreprises européennes auront le devoir d’identifier, de prévenir, d’atténuer et de remédier à leurs impacts négatifs sur les droits humains.

La Suisse, quant à elle, est à la traîne et n’a pour le moment pas adopté de lois contraignantes pour les entreprises(source 6). Il serait temps que la Suisse se dote d’une loi efficace pour exiger le devoir de vigilance des entreprises.

Le chocolat de Nestlé et de Lindt, précieux symbole de la Suisse, est tout à fait symptomatique des atrocités que notre pays cautionne sous prétexte de liberté commerciale. Le maintien de la pauvreté des pays africains par un marché non régulé, le travail des enfants dans les champs pour produire pour les pays “développés”, la détérioration des écosystèmes des pays tropicaux, les dérèglements climatiques liés à la déforestation, tout cela n’est que symptômes du colonialisme actuel auquel la Suisse prend part.

Bibliographie pour aller plus loin

Articles disponible sur le web

  • Source 1 : Fountain, A. Huetz-Adams, F. (2022), Le baromètre du cacao. Baromètre du cacao. Cette organisation regroupe plusieurs ONG actives dans le domaine du cacao et fourni des articles fouillés et détaillés.

  • Source 2 : Plate-forme suisse du cacao durable

  • Source 4 : Gérand, C (2023), Le Cacao a Dévoré La Forêt Ivoirienne. Article

  • Source 5 : Braunschweig, T & Classen, O. (2020). Travail des enfants sur les plantations de cacao : deux décennies de perdues. Article Public Eye

  • Source 6 : Coalition pour des multinationales résponsables La coalition informe les suisses et les autorités des problématiques grave qui surgissent lorsque les multinationales n'ont pas de régulation pour défendre les droits humains. Elle lance des pétitions et des initiatives sur ce sujet.

  • Source 7 : Public Eye Dossier sur le cacao. On y trouve quantité d'articles journalistiques de qualité.

Reportages vidéo

  • Source 3: Interview LIMIT de Kalvin Soiresse. Comprendre l'Écologie Décoloniale ! Interview